Justice et réconciliation à Duékoué : un exercice difficile

L’organisation Amnesty International accuse les deux camps d’exactions lors de la prise de la ville de Duékoué par les FRCI d’Alassane Ouattara les 28 et 29 mars 2011, mais elle parle aussi d’une « chasse à l’homme » dans le quartier Carrefour de Duékoué, habité par la communauté guéré, considérée comme favorable à l'ancien président Laurent Gbagbo.

Avec nos envoyés spéciaux, à Duékoué

Le ministère ivoirien de la Défense explique que le quartier Carrefour de Duékoué était un fief des milices armées. Mais les habitants parlent d’attaque « systématique » et c'est de cela qu'ils veulent témoigner aujourd'hui.

Il y a beaucoup d'attente à la mairie de Duékoué : 289 personnes en trois jours ont demandé à rencontrer le juge. Parmi elles, Marcelle qui veut savoir qui sont les gens qui ont tué son mari le matin du mercredi 30 mars :« Il n'est pas combattant, il n'a pas de fusil. Une personne inoffensive. Je n'ai pas besoin de milliards de demandes à la justice de trancher ».

À l'étage, deux greffiers tapent frénétiquement sur leurs machines à écrire. Le juge du Tribunal de première instance,Yaya Ouattara reçoit les victimes dans un bureau sans fenêtre. Lui et son équipe sont chargés d'enquêter sur les violences qui ont éclaté à Duékoué, Bloléquin, Toulepleu et Guiglo depuis janvier 2011. « Nous savons que la tâche est très ardue parce que ces évènements ont touché beaucoup de gens. Il y en a qui ont perdu des biens. Notre objectif n'est pas de dédommager [ la perte des biens, NDLR]  mais d'entendre tous les "sachants" sur ces évènements, de voir qui sont les auteurs [des violences, NDLR] et au besoin de savoir combien de morts il y a eu à l'occasion de ces évènements ».

De son côté, le commandant Konda des Forces républicaines de Côte d'Ivoire stationnées à Duékoué tente de renouer les liens entre une population divisée par une longue histoire de violents conflits : « La communauté guéré est le propriétaire foncier à Duékoué. Il y a toujours eu une mésentente en sourdine avec les alloctones, les groupes dioula, senoufo, baoulé et autres ».

Pour le commandant Konda, tout va bien aujourd'hui. Mais la méfiance entre les communautés persiste comme en témoigne ce déplacé de la communauté guéré, considérée comme favorable à l'ancien président Laurent Gbagbo.

« La réconciliation et le pardon vont venir à la suite du désarmement parce qu'il y a des individus qui ont encore des armes qu'ils brandissent la nuit et le jour », assure le commandant Konda, qui dit tout faire pour désarmer les milices.

Un Comité réconciliation a été mis sur pied à Duékoué. Il mène des actions de sensibilisation dans les villages. «  La réconciliation s'impose à nous, à Duékoué. Nos problèmes remontent avant la crise. Nous devons apprendre à nous respecter. Nous sommes condamnés à vivre ensemble », insiste Mamadou Koné, le président du Comité.

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À consulter :

Côte d'Ivoire - Dans l'Ouest, toujours la peur qui les habite. MSF 20/5/2011

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