On pouvait attendre que la cérémonie au palais présidentiel soit diffusée en direct sur la TCI mais manifestement tel n'est pas le cas. Quoi qu'il en soit Alassane Ouattara a officiellement prêté serment ce 6 mai. Le corps diplomatique, les principaux responsables des institutions, les chefs militaires et les membres du gouvernement étaient présents. Alors cette cérémonie a tout de même un caractère particulier puisque Alassane Ouattara a prêté serment devant le président du Conseil constitutionnel Paul Yao Ndré. Celui même qui il y a cinq mois
avait déjà proclamé la victoire de Laurent Gbagbo et avait par la même plongé le pays dans la plus grave crise de son histoire.
Pour justifier son virage à 180 degré, le patron de la plus haute juridiction nationale explique qu'il se fonde sur les conclusions du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine, l'organisation pan africaine ayant reconnu la victoire d'Alassane Ouattara. Pour Paul Yao Ndré, la Côte d'Ivoire est membre de l'UA et les normes internationales ont une autorité supérieure aux lois internes. Pour plusieurs sources, il s'agit là d'un bricolage juridique ayant pour seul but de sortir de la crise politique.
Quoi qu'il en soit cette relecture des textes fait bondir Toussaint Alain, un conseiller de Laurent Gbagbo basé à Paris. Selon lui, cette nouvelle proclamation des résultats est une aberration juridique, une forfaiture, car selon l'article 98 de la loi fondamentale ivoirienne, le Conseil constitutionnel ne peut pas revenir sur ses décisions antérieures.
Manifestement, Alassane Ouattara semble vouloir éviter une bataille juridique qui pourrait s'éterniser encore des mois et ralentir la reprise d'activité du pays. Il a donc prêté officiellement serment ce vendredi 6 mai au palais présidentiel d'Abidjan. Son investiture, manifestation plus politique en présence de chefs d'Etat, elle est prévue pour le 21 mai à Yamoussoukro.
L'ironie de l'histoire
Alors que Alassane Ouattara endosse officiellement le costume de président de la République, son prédécesseur, Laurent Gbagbo devait lui, pour la première fois depuis sa chute, être entendu par la justice ivoirienne. L'audition de Laurent Gbagbo n'a finalement toujours pas eu lieu. Le procureur de la République s'est déplacé à Korhogo, là où est assigné le président déchu, accompagné d'officiers de la police judiciaire et de la gendarmerie. Tout semblait prêt pour cette audition dans le cadre d'une enquête préliminaire sur les crimes et délits commis durant la période post-électorale. Mais voilà un « contretemps » de dernière minute est venu tout bousculer. Ce vendredi matin à l'aéroport d'Abidjan, Jacques Vergès et Marcel Ceccaldi, deux des trois avocats français de Laurent Gbagbo, se sont vus refuser l'entrée sur le territoire ivoirien. Hamed Bakayoko, le ministre de l'Intérieur justifie la raison de ce refoulement.
Alors bien sûr, les avocats de Laurent Gbagbo ne cachent pas leur colère. Ils estiment être tombés dans un traquenard. Jacques Vergès considère que ce refoulement à la frontière montre que l'on ne veut pas que Laurent Gbagbo soit défendu. Son confrère Marcel Ceccaldi dénonce, lui, les autorités qui « se livrent à une palinodie de justice ». Réponse des autorités, « nous n'allons pas attendre ad vitam eternam mais nous ne voulons pas donner du grain à moudre aux avocats de Laurent Gbagbo. Qu'ils fassent leurs visas en bonne et due forme et ils pourront assister leur client ».
Consigne a donc été donnée au procureur de la République pour qu'il reporte une nouvelle fois l'audition de Laurent Gbagbo. Sur le terrain politique, les choses s'accélèrent mais le temps de la justice est lui manifestement beaucoup plus long.