Il y a 5 mois, en proclamant la victoire de Laurent Gbagbo après avoir annulé des centaines de milliers de voix du Nord, le président du Conseil constitutionnel avait plongé la Côte d'Ivoire dans la plus sérieuse crise de son histoire. Hier jeudi, Paul Yao Ndré s'est dédit et a annoncé officiellement que désormais pour lui, le vainqueur de l'élection présidentielle du 28 novembre dernier est Alassane Ouattara.
Pour justifier ce virage à 180 degré, le patron de la plus haute juridiction nationale, connu pour avoir été un très proche de Laurent Gbagbo, explique qu'il se fonde sur les conclusions du Conseil de paix et de sécurité de l'union africaine, l'organisation panafricaine ayant reconnu la victoire d'Alassane Ouattara. Pour Paul Yao Ndré, la Côte d'Ivoire est membre de l'UA et les normes internationales ont une autorité supérieure aux lois internes.
Cette relecture des textes fait bondir Toussaint Alain, un conseiller de Laurent Gbagbo basé à Paris. Selon lui, cette nouvelle proclamation des résultats est une aberration juridique, une forfaiture, car selon l'article 98 de la loi fondamentale ivoirienne, le Conseil constitutionnel ne peut pas revenir sur ses décisions antérieures.
Manifestement, Alassane Ouattara semble vouloir éviter une bataille juridique qui pourrait s'éterniser encore des mois et ralentir la reprise d'activité du pays. Il devait donc prêter officiellement serment, ce vendredi après midi, au palais présidentiel d'Abidjan devant le président du Conseil constitutionnel. Son investiture, manifestation plus politique en présence de chefs d'Etat, est quant à elle prévue pour le 21 mai à Yamoussoukro.
Psychodrame à l'aéroport d'Abidjan
Voila donc Alassane Ouattara en passe de revêtir officiellement la tenue de chef d'Etat. Et pendant ce temps, ironie de l'histoire, Laurent Gbagbo de son côté devait être entendu pour la première fois depuis sa chute par la justice ivoirienne.
A la mi-journée, le procureur de la République n'avait pas encore commencé à interroger l'ex-président sur le lieu de son assignation à résidence. Mais si le programme est maintenu, Simplice Koffi doit entendre aujourd'hui Laurent Gbagbo à Korhogo (nord) sur les crimes et délits commis pendant la période post-électorale, à l'exception d'éventuels crimes contre l'humanité qui pourraient relever de la compétence de la Cour pénale internationale (CPI).
Toutefois, on se demandait en début d’après-midi si cette première audition allait bien se tenir ce vendredi puisque même si la loi ne l'oblige pas, les autorités judiciaires voulaient que Laurent Gbagbo soit assisté par ses avocats. Or ce matin, un psychodrame s’est déroulé à l'aéroport d'Abidjan puisque deux des trois défenseurs parisiens de l'ex-président se sont vu refuser l'entrée sur le territoire ivoirien. Hamed Bakayoko, le ministre de l'intérieur, justifie cette décision.
Pour être tout à fait complet, il faut dire que Maître Lucie Bourthoumieux qui disposait d'une carte de résident en Côte d'Ivoire a pu passer les contrôles mais par solidarité avec ses collègues, elle a décidé de remonter dans l'avion.
Si le gouvernement d'Alassane Ouattara minimise cet incident, il n'en est pas de même des avocats de Laurent Gbagbo. Pour Jacques Vergès, ce refoulement à la frontière montre que l'on ne veut pas que Laurent Gbagbo soit défendu alors que son confrère Marcel Ceccaldi à, lui, dénoncé les autorités qui « se livrent à une parodie de justice. »