« C’est la résolution la plus ferme votée sur la Côte d’Ivoire », s’est félicité l’ambassadrice américaine aux Nations unies, Susan Rice. « Nous avons voulu lancer un dernier message politique pour demander à Laurent Gbagbo de partir et de laisser la place à Alassane Ouattara », a prévenu le Français Gérard Araud, à l’origine de cette résolution négociée et votée au pas de charge.
La résolution impose une interdiction de voyager et la saisie des biens à l’étranger des personnes nommément citées dans le texte, en mentionnant leur rôle dans la crise ivoirienne :
- Laurent Gbagbo
« Ancien président de la Côte d’Ivoire : obstruction au processus de paix et réconciliation, rejet des résultats de l’élection présidentielle. »
- Simone Gbagbo
« Présidente du groupe parlementaire du Front populaire ivoirien (FPI) : obstruction au processus de paix et de réconciliation, incitation publique à la haine et à la violence. »
- Désiré Tagro
« Secrétaire général du soi-disant Cabinet présidentiel de M.Gbagbo : participation au gouvernement illégitime de M. Gbagbo, rejet des résultats de l’élection présidentielle. Impliqué dans des répressions violentes des mouvements populaires en février, novembre et décembre 2010. »
- Pascal Affi N’Guessan
« Président du Front populaire ivorien (FPI) : obstruction au processus de paix et de réconciliation, incitation à la haine et à la violence. »
- Alcide Djédjé
« Conseiller proche de M.Gbagbo : participation au gouvernement illégitime de M.Gbagbo, obstruction au processus de paix et de réconciliation, incitation à la haine et à la violence. »
Si la résolution 1975 donne « tous les moyens nécessaires » aux forces de l’Onuci pour empêcher les tirs de mortier contre la population civile, comme cela s’est produit dans certains quartiers d’Abidjan, le texte a été édulcoré par rapport à la version initiale présentée par la France vendredi.
L’injonction à « saisir les armes lourdes » a été remplacée par « empêcher l’utilisation d’armes lourdes ». De même, le texte se contente d’une référence à la Cour pénale internationale, sans mentionner explicitement le déferrement des auteurs de crimes contre l’humanité devant cette juridiction.
C’est au prix de ces amendements que la France et le Nigeria ont obtenu un vote unanime du Conseil. La Chine, la Russie et l’Afrique du Sud avaient fait part de leurs fortes réticences à autoriser l’ONU à employer la force en Côte d’Ivoire. « L’Onuci ne doit pas prendre part à une guerre civile en Côte d’Ivoire, mais appliquer son mandat avec impartialité », a plaidé l’ambassadeur indien, Hardeep Puri, qui s’est également agacé du fait que les pays contributeurs de troupes (essentiellement des pays d’Asie du Sud) n’ont pas été consultés sur le mandat et le rôle des casques bleus sur le terrain.
« Les casques bleus ne sont pas des guerriers »
Car si la résolution est appliquée à la lettre, les casques bleus auront désormais pour mission de mettre hors d’état de nuire, les positions militaires équipées d’armes lourdes, menaçant des civils. « Jusqu’ici l’Onuci faisait surtout de la surveillance. Le Conseil de sécurité lui donne les moyens de s’adapter à l’escalade des violences sur le terrain », assure Youssouf Bamba, l’ambassadeur ivoirien (pro-Ouattara) aux Nations unies. Au risque de devoir s’opposer militairement aux forces loyales à Laurent Gbagbo dans la région d’Abidjan.
« Les casques bleus ne sont pas des guerriers, s’inquiète Michel Bonnardeaux, porte-parole du département des opérations de maintien de la paix. Sans solution politique, la situation va devenir intenable. Il y a des limites à ce que les casques bleus peuvent accomplir. »
Certes, le 24 mars dernier à Abidjan, une patrouille de l’Onuci a mis en fuite un groupe de soldats pro-Gbagbo qui s’apprêtaient à tirer au mortier sur le quartier d’Abobo, mais pour être réellement efficaces, les soldats onusiens devront recourir à des frappes par voie aérienne. « C’est la seule façon de détruire les positions des lanceurs de mortiers », glisse un diplomate. Problème : pour l’instant, les trois hélicoptères de combat prêtés par l’Ukraine sont étrangement stationnés à Bouaké, loin des zones d’affrontements d’Abidjan.