L’ONG a été rebaptisée La Citadelle. Autour d’elle, gravitent des personnages aux destins mêlés, comme dans le plus abouti des scénarios de fiction. Et pourtant la réalité n’est pas bien loin…L’histoire se passe entre le Darfour, le Tchad et la France. Au centre, un enfant, -Younis-, né au Darfour, arraché à son père par une folle opération de sauvetage humanitaire. Un roman qui ne résonnerait pas de la même façon si l’on n’avait pas en arrière-pensée le fait d’actualité qui l’a inspiré. En 2007, l’affaire de l’Arche de Zoé éclate : 103 enfants présentés comme des orphelins du Darfour, échappent à une opération d’exfiltration menée par une association française pour combler des familles en mal d’enfants. Au mépris des populations sur place, du droit national et international et des familles adoptantes.
Pierre Micheletti a choisi la fiction pour décrire l’action humanitaire qui tourne au western. Chaque protagoniste est un maillon de l’enchaînement dramatique des évènements. Et l’auteur prend le soin de donner le point de vue de chacun d’entre eux. Le lecteur est, tour à tour, le père à qui on a volé son enfant, Claire médecin humanitaire dans un camps de réfugiés, Jean kidnappé par des rebelles appartenant à l’armée de Libération du Soudan, Eddy Berton, le responsable de la Citadelle ou encore le conseiller du ministre des Affaires étrangères français. Ecrite comme un grand reportage avec une description méticuleuse des enjeux de la région, l’histoire met parfaitement en scène les différents acteurs d’un drame international où s’affrontent le Nord bien pensant, arrogant, sûr de son bon droit et le Sud perfusé aux ONG, méfiant, violent. Un jeu de dupes où la compassion va soudain prendre le pas sur l’éthique amenant une série d’évènements et de réactions en chaîne catastrophiques. Dérangeant.
Les orphelins est une dénonciation fine et engagée de la solidarité internationale telle qu’elle est pensée actuellement, par un des acteurs de l’humanitaire en France, Pierre Micheletti, ancien Président de Médecins du Monde. Un retour sur images nécessaire dans une société où une actualité chasse l’autre, où les outils de solidarité internationale atteignent désormais leurs limites. L’histoire des vrais-faux orphelins d’Abéché ou le paroxysme de l’hystérie humanitaire collective.