Dans l'ensemble, les Marocains saluent les promesses du roi

Dans un discours télévisé diffusé mercredi soir 9 mars 2011, le roi Mohammed VI a annoncé des réformes démocratiques et constitutionnelles allant en particulier vers un renforcement du statut du Premier ministre et l'« élargissement des libertés individuelles ». Au Maroc, les politiques dans leur ensemble approuvent les reformes annoncées, même si certains veulent rester vigilants.

De notre correspondante à Casablanca

« Le roi a fait tomber le régime », proclame le quotidien arabophone le plus lu du pays, Akhbar al Youm. La couverture provoc’ est à l’image de l’onde de choc qu’a provoqué l’annonce du roi mercredi soir. Onze minutes de discours qui devait porter sur le projet de décentralisation et qui se sont transformés en annonce d’une réforme « globale » de la Constitution. Une vraie rupture pour l’immense majorité des Marocains qui ne s’attendaient pas à ce que le roi initie aussi clairement cette réforme réclamée depuis trois semaines par la rue.

En résumé, Mohamed VI a promis de renforcer le pouvoir du Premier ministre qui deviendrait « chef d'un pouvoir exécutif effectif » et « pleinement responsable de la conduite du programme gouvernemental ». C’est la mesure phare de ce projet de réforme, le Premier ministre choisi par le roi étant devenu au fil des années un valet du roi. Désormais, ce Premier ministre sera obligatoirement issu du parti arrivé en tête des élections et non plus choisi arbitrairement par le monarque. Par ailleurs, la Chambre des représentants élus au suffrage universel devrait se voir dotée de pouvoirs supérieurs par rapport à la Chambre haute dont les membres sont élus aux élections indirectes. L’indépendance de la justice, la séparation des pouvoirs mais aussi la composante berbère amazighe du Maroc seront inscrites dans la Constitution. Enfin la démocratie devrait s’élargir aux régions, avec des conseils qui seront désormais élus au suffrage direct, leurs présidents dotés de pouvoirs qui revenaient jusque-là aux gouverneurs et aux walis (préfets).

Cette réforme, élaborée par une commission ad hoc, devra ensuite être soumise au roi en juin prochain avant d’être soumise à référendum. Pour élaborer ce nouveau texte modifié en 1996 pour la dernière fois, le président de la commission Abdellatif Menouni, aura pour mission d’ « être à l'écoute » et de consulter « les partis politiques, les syndicats, les organisations de jeunes et les acteurs associatifs ». Des mesures importantes sur le papier, saluées par l’ensemble des Marocains même si certains restent prudents.

« Continuer à faire pression »

Pour le politologue Mohamed Daarif, ce discours est le signe d'une « rupture » mais il « n'instaure pas une monarchie parlementaire », mais plutôt un rééquilibrage des pouvoirs entre le palais et le Parlement.

« Ce n’est pas assez », commente pour sa part, Najib Chaouki, bloggeur et l’un des organisateurs du « mouvement du 20 février », à l’origine de la vague de manifestations qui s’est emparée du royaume ces trois dernières semaines. « Un exemple : le roi réduit le pouvoir des walis mais il ne résout pas le problème. On ne veut plus de walis, de caïd (chef local, non élu)… on ne veut que des élus comme dans tous les systèmes démocratiques ».

Nizar Bennamate, 25 ans, également membre du mouvement de contestation est moins catégorique. « Les promesses sont intéressantes mais je suis méfiant », explique-t-il avnat d'ajouter : « le roi reste ambigu sur la question centrale de la monarchie : pourquoi n’a-t-il pas clairement parlé de monarchie parlementaire ? ». Les deux confirment le maintien de la manif du 20 mars pour « continuer à faire pression ». Ils veulent demander la libération immédiate de tous les prisonniers politiques et obtenir plus de garanties sur la transition vers une monarchie parlementaire.

Un discours « historique et audacieux »

Du côté des partis politiques, l’enthousiasme est plus unanime. « Les gens pensent que la monarchie parlementaire ça se décrète, or pour moi c’est un processus et il a été clairement lancé par le roi », relativise Ali Bouabid, membre du bureau politique du parti socialiste de l’USFP. Selon lui, le roi est allé très loin dans ce discours « historique et audacieux », en donnant des orientations qui ouvrent la voie à une « démocratisation du régime », notamment avec le transfert de pouvoir aux conseils régionaux.

« On reste partagé entre l’avis qu’il a surpris par ce discours et fait preuve de lucidité et la peur que la montagne accouche d’une souris », estime, pour sa part Driss Ben Ali, économiste et figure de la société civile qui rappelle que, pour le moment, ce discours se compose essentiellement d’annonces générales dont il faut voir l’application concrète. « Quelles seront les attributions exactes du Premier ministre ?, interroge l’économiste. Y aura-t-il toujours des ministères de souveraineté ? L'armée, la sécurité et le Sahara occidental, traditionnellement placés sous l'autorité directe du roi, seront-ils soustraits à la responsabilité du gouvernement ? ». Pour l’économiste, il faut donc « passer au plat de résistance » et mettre en œuvre toutes ces annonces avant de pouvoir parler d’un nouveau pas vers la démocratie. Et d’ici là ? « Il faut rester vigilent comme en Tunisie ou en Egypte où les gens continuent à manifester chaque jour ».

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