La Libye se vide de sa main-d’œuvre alors que les évacuations et le ballet des car-ferries se poursuivent dans le port de Benghazi. Par centaines des Syriens attendent de grimper à bord du navire grec, La Minoan Lines, long comme trois terrains de football.
Le Scotia Prince s’est rangé à côté en début de soirée. Il a été affrété pour rapatrier mille ressortissants indiens. Ils sont debout dans un immense hangar. A droite ce sont les familles, à gauche les célibataires. Il y a des ouvriers des ingénieurs, des infirmières, des docteurs, des enseignants.
On se demande bien comment la Libye va fonctionner sans eux. Ils étaient émus de quitter ce pays qu’ils aiment malgré tout, « mais on ne veut pas prendre de risques c’est dangereux », ils nous l’ont dit. Certains se sont installés ici il y a vingt-cinq ans. Des nationaux du Bengladesh, dont de nombreux sans papiers, attendent aussi leur heure.
Ni avion, ni navire
Enfin, il y a les Africains de l’Ouest et du Centre. Pour eux, leurs ambassades n’ont organisé aucun départ ni par navire ni par avion. Et, ils ont peur plus que les autres car les Libyens les associent aux mercenaires africains recrutés par le régime Kadhafi pour réprimer dans le sang l’insurrection. Des Sénégalais vivant en Libye ont lancé un appel, pour que leur gouvernement les aide à rentrer à Dakar le plus vite possible. Ils vivent reclus chez eux, par peur d'être pris pour des mercenaires.
Si de nombreux pays africains se taisent face au drame que vivent leurs ressortissants, Ndjamena a réagi le 28 février. Le Tchad, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Moussa Faki Mahamata, a assuré devant le corps diplomatique accrédité au Tchad, qu'aucun de ses ressortissants ne faisait partie des forces fidèles à Mouammar Kadhafi qui répriment la contestation libyenne :
« Les Tchadiens et les Africains en général peuvent subir à tout moment des
représailles de ceux qui en Libye croient à ces allégations. C’est pour cette raison que nous avons tenu à vous rencontrer. D’abord pour vous dire de vive voix l’indignation du gouvernement tchadien devant cette campagne malveillante, et ensuite pour vous demander de témoigner sur les caractères mensongers et néfastes de ces informations.»
Moussa Faki Mahamat a aussi démenti les informations affirmant que des avions remplis de mercenaires partent du Tchad pour appuyer le régime libyen. « Comment pouvons-nous faire cela sans être vus ? Le Tchad n’a aucun intérêt à apporter le feu chez son voisin du nord ». Le diplomate a conseillé plutôt le dialogue aux Libyens :
« La seule ingérence dont pouvait se permettre le Tchad, c’est celle de suggérer le dialogue, d’arrêter la violence et les destructions dans ces grands pays africains et arabes. »
Le ministère tchadien des Affaires étrangères indique avoir demandé aux Tchadiens résidant en Libye de demeurer chez eux.