Depuis plus d’une décennie, l’opposition réclame la levée de l’état d’urgence décrété en février 1992 pour lutter contre le terrorisme et qui a également servi à comprimer les principales libertés démocratiques (création de parti, d’association, liberté de réunion, liberté de la presse…). Le président Bouteflika et les formations politiques qui le soutiennent, notamment les partis RND (Rassemblement national démocratique) et FLN (Front de libération nationale), affirment qu’il n’a pas été une entrave aux libertés.
Le maintien de l’interdiction de manifester pacifiquement à Alger en est pourtant l’illustration la plus flagrante. Officiellement, l’ordre public ne permet pas que la capitale abrite de tels évènements sous le prétexte des « incidents » tragiques survenus en juin 2001 à Alger. Les témoins de cette manifestation férocement réprimée se souviennent des voyous et autres civils infiltrés parmi les manifestants, sous l’œil complaisant des forces de police, pour casser le mouvement, à la manière des gros bras pro-Moubarak sur la place Tahrir du Caire.
Suspicion
Le risque d’une réédition de la répression de juin 2001 est dans les esprits des organisateurs de la manifestation du 12 février prochain à Alger, interdite, mais maintenue par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie. Les annonces du président Bouteflika n’ont pas entamé la détermination de ce regroupement d’associations, de militants politiques et des droits de l’homme, à battre le pavé pour « exiger la levée de l’état d’urgence, l’ouverture du champ politique et médiatique et la libération des personnes arrêtées durant des manifestations ou pour des délits d’opinion ». Le parti RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), impliqué dans cette action, a jugé que les annonces de Bouteflika sont « des manœuvres ». Pour le moment, en effet, rien n’est acquis.
« Aucune loi ou instruction n'ont jamais interdit à quelque formation ou association légale que ce soit l’accès à la télévision et aux radios publiques », déclare ce jour le président Bouteflika en ajoutant « la télévision et la radio doivent donc assurer la couverture des activités de l'ensemble des partis et organisations nationales agréés, et leur ouvrir équitablement leurs canaux ». Or, les algériens ont gardé en mémoire une de ses fracassantes déclarations télévisées ou il affirmait qu’il n’est « pas question de donner l’antenne à mes adversaires ». Pendant une décennie, tous les responsables de ces médias publics l’ont suivi sur cette voie, en violation de la loi sur l’information d’avril 1990 qui garantit l’égal accès aux courants d’opinion.
Les principaux gagnants
Dans l’immédiat, les premiers gagnants sont une frange de la jeunesse qui active dans le commerce informel et qui a relativement trempé dans les émeutes de janvier. Le président Bouteflika a instruit son gouvernement afin « d'alléger les formalités et procédures destinées au transfert du petit commerce informel sur la voie publique vers des sites aménagés, en concertation avec les associations et représentants des concernés ». Ce qui signifie, qu’en attendant, ces vendeurs à la sauvette n’auront pas la police aux trousses.
Les commerçants établis, eux aussi, profitent des largesses présidentielles puisque l’obligation de payer par chèque pour les transactions commerciales supérieures ou égales à 500 000 DA (environ 4 500 euros) à partir du 31 mars prochain et la généralisation de la facturation sont reportées à une date indéterminée ! Le gouvernement doit aussi faciliter l’accès aux microcrédits au profit des jeunes entrepreneurs, l’accès au logement urbain et rural, de même que l’administration se doit d’alléger les procédures pour faciliter la vie des algériens.
Par ces instructions, le président Bouteflika veut brasser large et absorber le mécontentement suscité par une gouvernance très controversée. Evitera-t-il l’effet tuniso-égyptien ? Premiers éléments de réponse le 12 février.