La Tunisie prend acte du remaniement sans grand enthousiasme

En Tunisie, après deux jours de patience et de manifestations, depuis jeudi 27 janvier 2011, le pays a un nouveau gouvernement. Les principaux ministres de l’ancien régime Ben Ali ont été écartés des quatre postes clés qu’ils détenaient. Quant au Premier ministre de transition, Mohammed Ghannouchi, il a été reconduit dans ses fonctions. Les manifestants ont laissé éclater leur joie à l’annonce de cette nouvelle donne politique tout en demandant la démission du chef du gouvernement puisqu'il reste à son poste.

Mohammed Ghannouchi n’aura pas lâché sur un nom, le sien. L’homme de l’ombre de Ben Ali, Premier ministre depuis onze ans, cette figure de l’ancien régime reste en poste et ce, malgré la contestation de la rue qui, depuis dix jours, réclame son départ.

Par contre, sur le reste, Mohammed Ghannouchi a fait des concessions comme le demandait la rue : les quatre postes clés (l’Intérieur, les Affaires étrangères, la Défense et les Finances) changent de mains. Les caciques du parti au pouvoir depuis un quart de siècle disparaissent en grande partie, il n’en reste que trois.

Pour les remplacer, des hommes beaucoup moins connus, voire pas du tout. Résultat : bon nombre de Tunisiens constataient ce vendredi matin qu’ils ne connaissent aucun ministre, à part un ou deux, des hommes politiques de la fin des années 1980 qui avaient pris leur retraite depuis. Donc au total, douze nouvelles têtes font leur apparition, des technocrates pour la plupart.

« Ce gouvernement est un gouvernement de transition », a rappelé Mohammed Ghannouchi à la télévision jeudi soir, comme pour prendre de l’avance sur les critiques. « Il ne restera que jusqu’à la tenue d’élections libres », a-t-il promis.

La rue se concerte

La réussite de cette équipe gouvernementale remaniée va dépendre de la réaction de la rue : est-ce qu’elle va suivre ou non ? Ce vendredi 28 janvier, sur la place de la Casbah où des personnes de tout le pays font le siège du gouvernement depuis plusieurs jours, les gens s’interrogent, se concertent. Ils débattaient en petits groupes. Souvent des professeurs ou des juristes plus âgés tentaient de les convaincre de laisser une chance à ce gouvernement de transition.

Mais en face, les jeunes ont des réponses plus radicales, « Nous n’avons plus confiance en Ghannouchi », disaient-ils. « Tant qu’il est là, rien ne changera », disent la majorité d’entre eux.

Cela dit, le gouvernement a obtenu un soutien crucial hier soir, celui de l’UGTT, le principal syndicat du pays, qui a largement encadré la contestation de ces dernières semaines. L’UGTT a refusé de participer au gouvernement, mais le syndicat a donné son soutien à Mohammed Ghannouchi pour mener cette transition. Il a donc lâché la rue sur ce point. Est-ce que ce syndicat va être en mesure de ramener les manifestants à la maison et au travail ? C’est un peu la question que tout le monde se pose aujourd’hui.

Une presse prudente

Du côté de la presse on est bien prudent également au lendemain du remaniement. Comme tout le monde, elle s’interroge avec des titres comme « L’apaisement ? ». Ou encore ce titre très sobre du premier journal du pays, La Presse : « Un gouvernement provisoire pour réaliser la transition démocratique ».

On le voit bien, d'un côté comme de l'autre, personne ne s’avance trop pour le moment sur ce nouveau gouvernement.
 

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