Les points clés à régler avant l'indépendance du Sud-Soudan

C'est le 9 juillet prochain, à la date d'échéance de l'application de l'accord de compréhension signé en 2005, que le Sud-Soudan sera officiellement indépendant. D'ici là, les délégations gouvernementales du Nord et du Sud doivent répondre à une multitude de questions et non des moindres : citoyenneté, sécurité, démarcation de la frontière, répartition des revenus pétroliers et de la dette extérieure, partage des eaux du Nil, etc.

Les pourparlers sur l'avenir des relations entre le Nord et le Sud du Soudan en cas de sécession du Sud ont débuté en juin 2010. Les deux vices-présidents soudanais, Ali Osman Taha et Salva Kiir Mayardit échangent encore des remarques acerbes sur la tenue du référendum et la question de la citoyenneté des habitants du territoire d'Abyei mais la question de la sécession est déjà l'objet de pourparlers. Les réunions se déroulent sous l'auspice du Groupe de haut niveau de l'Union africaine, chargé de l'application des protocoles de l'accord de paix entre le Nord et le Sud et de régler le conflit du Darfour, à l'ouest du pays.

Citoyenneté-Nationalité

«Pas de double nationalité» a averti, peu avant le référendum, le président soudanais Omar el-Béchir. Les Sudistes qui résident dans le Nord et les Nordistes -surtout des commerçants- installés dans le Sud doivent choisir. En définissant la citoyenneté, les négociateurs définissent les droits de résidence, de travail, de commerce et la propriété foncière. Ménagera-t-on des dispositions particulières pour les ressortissants du Nord et du Sud dans l'un et l'autre territoire ?
Selon le recensement national de 2008, le Sud compterait  un peu plus de 8,2 millions d'habitants et le Nord, 39,1 millions.

Répartition des revenus du pétrole

Le pétrole a été le carburant de l'Accord de paix de 2005. C'est parce que les puits* étaient à portée d'action de la guérilla, que les investisseurs se montraient prudents, hormis les compagnies chinoises et malaisiennes. Les revenus de l'or noir  -9 milliards de dollars pour ces 5 dernières années- comptent aujourd'hui pour 40% dans le budget du gouvernement de Khartoum (15% en 2002) et 90% dans celui de Juba. Seulement un tiers des 21 concessions pétrolières est actuellement exploité.

Selon la section 5-6 du protocole d'accord du 7 janvier 2004, les revenus sont partagés à 50-50 entre le Sud et le Nord. Chaque gouvernement rétrocède 2% des revenus à la région productrice selon le montant de sa production.

Les champs pétroliers actuellement exploités se trouvent dans la partie septentrionale du Nord-Soudan et les États sudistes de l'Unité et de Warrap. La production dans le territoire contesté de Jonglei est en déclin. Les vastes concessions des États des Lacs et de Jonglei, également au sud, ne sont pas encore exploitées.

Le pipe line (1 500 km), construit par les Chinois, relie les champs pétroliers à Port-Soudan sur la mer Rouge. Les Sudistes en ont besoin jusqu'à ce qu'ils trouvent les moyens d'en construire un second en direction du port kényan de Mombasa. Opération aléatoire compte tenu de la géographie physique sur le parcours.

Depuis la signature du protocole d'accord, il y a eu différentes manoeuvres à la fois de Khartoum, mais aussi d'acteurs originaires du Sud pour aménager de nouveaux contrats avec des sociétés pétrolières étrangères. Ces manoeuvres révèlent de sérieux conflits d'intérêts et sont des portes ouvertes à la corruption.

Khartoum a été accusé par l'organisation Global Witness de déclarer des revenus pétroliers inférieurs à la réalité (septembre 2009), accusation renouvelée en janvier 2011.

L'eau du Nil

Le Sud-Soudan a littéralement le pied sur le tuyau d'arrosage de ses voisins du Nord. L'économie égyptienne et celle du Nord-Soudan ont besoin des eaux du Nil pour l'agriculture mais aussi pour la production d'électricité. Jusqu'à aujourd'hui, l'Egypte se taille la part du lion dans le partage des eaux du fleuve (55  milliards de m3 contre 18 milliards pour le Soudan) et elle fait blocage sur toute renégociation avec les États riverains** situés en amont. La naissance du nouvel État, aussi favorablement placé sur le cours du Nil, est un nouvel élément dans les futures négociations. Khartoum qui continue de développer ses programmes de fermes industrielles dans la plaine de El-Gezira, au sud de la capitale, et dans le Kordofan, doit renégocier la construction du canal de Jonglei, interrompue par la guerre civile en 1984.

La démarcation de la frontière Nord-Sud

Omar el-Béchir assure que la démarcation de la frontière Nord-Sud, notamment dans la région d'Abyei, sera faite d'ici juillet 2011. Depuis plus d'un an, Khartoum bloque la mission des experts mandatés par la Cour permanente d'Arbitrage de La Haye. Depuis quelques mois, le gouvernement nordiste tente même d'obtenir une rectification du tracé en sa faveur. Populations sédentaires Dinka Ngok et nomades Misseriya, qui cohabitaient dans un délicat système traditionnel d'ententes économique et sociale, sont plus que jamais dressées les unes contre les autres.

La frontière doit être également établie dans le Haut-Nil et dans le Sud-Kordofan.

L'organisation Small Arms Survey note dans son dernier rapport que de nouvelles armes sont apparues dans les régions frontalières du Sud-Kordofan et d'Abyei entre les mains des forces armées de Khartoum et l'armée du Sud mais aussi de miliciens. D'après l'organisation genevoise, les unités mixtes constituées après l'accord de paix et considérées comme des facteurs de stabilisation dans la région ont cédé la place aux milices paramilitaires.

Les Nations unies rapportent des mouvements importants de troupes et de tanks.

Sécurité

Le Sud-Soudan n'est pas encore pacifié. De nombreux groupes armés sillonnent le pays. Les razzia sur le bétail restent encore une tradition parmi les éleveurs***. Le Sud a bénéficié de ralliements trop récents d'anciens dissidents pour apprécier leur valeur. Des mécontents des dernières élections rêvent d'en découdre par les armes. Le référendum a été émaillé d'affrontements dans l'État de l'Unité et dans la région d'Abyei. Ils ont pu être contenus pour l'instant. Mais les deux gouvernements ont à mettre en place une vraie politique de désarmement sur leur territoire respectif. Quelles sont ses chances de réussite quand persistent la guerre au Darfour et les opérations de la guérilla de la Lord Resistance Army de Joseph Kony à la frontière ougandaise ?

La sécurité du pays dépend pour beaucoup de la capacité des deux gouvernements à absorber les revendications des groupes marginalisés au cours du processus de paix.
 

 

Dette extérieure

La dette extérieure du Soudan se monte entre 34 milliards et 38 milliards de dollars (25 à 27 milliards d'euros), dont plus de 30 milliards d'arriérés. L'Arabie saoudite et le Koweït sont les principaux prêteurs du Soudan (25% de la dette), suivis par l'Autriche et les États-Unis. Le gouvernement a cessé de rembourser ses emprunts dans les années 1980. Pour lui, le Sud doit payer sa dette. Comment en diviser la charge, sachant que le Sud n'a que très peu bénéficié de l'argent emprunté ? Jusqu'à quelle hauteur la communauté internationale est prête à effacer cette dette ?

Symboles nationaux

Drapeau, armoiries et hymne national ont été choisis il y a plusieurs mois par les autorités du Sud-Soudan. Le choix de la monnaie est l'objet de discussion avec le Nord. Le nom du nouveau pays reste à trouver et la constitution à rédiger par les Sudistes.

 

 

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* Voir la carte des zones pétrolières (Global Witness).
** Voir le site de l'Initiative du bassin du Nil, regroupant les États riverains du Nil.
*** La razzia fait partie des épreuves rituelles de passage des jeunes gens à l'âge adulte.

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