Les Tunisiens s'interrogent sur le scénario de l'après-Ben Ali

L’histoire s’est donc écrite à toute vitesse vendredi 14 janvier 2011 en Tunisie. Le président Zine el-Abidine Ben Ali, au pouvoir depuis 23 ans, a cédé à la rue. Après presque un mois de manifestations réprimées dans le sang, il a quitté le pays cette nuit et il a été accueilli à Djeddah, en Arabie saoudite, avec sa femme et sa famille. A Tunis, le couvre-feu est officiellement levé et les habitants sortent petit à petit de chez eux.

C’est au compte-goutte que les habitants commencent à sortir de chez eux, pour se retrouver dans le centre-ville. Une femme qui a trouvé refuge le 14 janvier dans un immeuble, après les manifestions, très inquiète, est à la recherche de sa fille. Un propriétaire d’un kiosque à journaux, entièrement détruit suite aux affrontements avec la police, est venu lui, évaluer les dégâts. Quelques personnes errent par-ci, par-là. Mais pour l’essentiel, les rues sont désertes et jonchées des vestiges des affrontements de la veille. Des pierres, des débris de verre, des barricades montées un peu partout autour du centre-ville témoignent de ces affrontements.

Au cœur de la ville, l’armée et la police ont crée un sorte de zone sécurisée, qui se concentre autour du ministère de l’Intérieur. Quatre chars de l’armée et cinq jeeps entourent cet édifice public. Des barrières sont également dressées par la police.

Selon des témoignages, dans les quartiers de la ville, c’est en quelque sorte le chaos. Aucune trace de police ou d’armée. Les milices sont par contre, omniprésentes. Elles se promènent de maison en maison, réclamant de l’argent ou de la nourriture pour laisser les gens tranquilles. Une femme qui travaille dans un hôtel témoigne de cet état de fait. Elle a été victime d’un homme, un civil armé d’un couteau et d’une matraque, qui lui réclamait de l’argent pour la laisser rentrer chez elle.

La population a peur, ce qui peut expliquer pourquoi les habitants ne reviennent que petit à petit dans le centre-ville. Tous ont l’air de dire que ces milices ne sont pas des civils, mais plutôt des membres du parti au pouvoir, le RCD, qui cherche à semer la terreur, ou des policiers qui veulent se venger du départ de Ben Ali.

L’armée, élément stabilisateur ?

Cette journée s’annonce très tendue et décisive aussi. La vacance du pouvoir sans Ben Ali ouvre de fait de nombreuses fenêtres d’incertitude. Certes, un Premier ministre existe, assurant la fonction de président par intérim. Mais il est issu du parti de Ben Ali. Et pour beaucoup, il représente cet ancien régime dont les gens n’en veulent plus.

Ce matin du 15 janvier, et pour la première fois, les réseaux sociaux qui ont joué un rôle crucial pendant cette contestation, lancent des appels à brûler le ministère de l’Intérieur, symbole pour eux de Ben Ali. Des appels à des actions violentes sont lancés, destinés à faire en sorte que le Premier ministre lui aussi parte, pour être éventuellement remplacé par l’armée. Une armée qui semble être pour le moment, le seul élément stabilisateur qui met tout le monde d’accord. D'ailleurs, certains Tunisiens aimeraient la voir prendre la suite et organiser des élections pour se débarrasser de ce parti au pouvoir.

Un appel à manifester devant l’ambassade d’Arabie saoudite a été lancé, pays où l’ex-président Ben Ali s’est réfugié. D’où la crainte, ce samedi, de nouvelles confrontations et de luttes pour le pouvoir.

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