« Le Mozambique a faim »

La police reste déployée dans les faubourgs pauvres de Maputo, capitale mozambicaine, pour étouffer toute reprise des émeutes contre la vie chère qui ont fait 13 morts la semaine passée.  Retour sur les origines de ce mouvement né d'une flambée des produits de première nécessité. 

Le quartier de Maxaquene, l'un des plus pauvres de la banlieue de Maputo, étire ses maisons en parpaings et en toit de taules le long de la route de l'aéroport. La plupart de ses habitants, des chômeurs ou des travailleurs du secteur informel, touchent moins que le salaire minimum mozambicain: autour de 2 000 meticais (la monnaie locale) par mois, soit 40 euros.

Mercredi 1 er septembre, Maxaquene est paralysé. Des pneus en feu et des conteneurs renversés bloquent la route. Les gens descendent dans la rue pour hurler « le Mozambique a faim ». Ils tapent sur leurs ventres pour montrer leurs estomacs vides. La police décidera de faire taire leur faim à coups de plomb.

Senso Raymundo, vend quand il le peut des légumes sur le marché de Zimpeto. « Les gens sont épuisés. Ils ont raison de manifester. Les gouvernement ne s'intéresse pas à nous. Quand il s'agit d'augmenter les prix alors on l'entend, mais pour augmenter les salaires, il n'y a plus personne ».

Dépendance aux importations

C'est l'augmentation des prix de l'eau et de l'électricité qui a mis le feu aux poudres. Le 1er septembre elle devenait effective. L'électricité, notamment, a connu une hausse de 13%. Un mois plus tôt, déjà, les carburants ont augmenté de 8%, la troisième hausse en moins de six mois. L'essence coûte désormais 40 meticais le litre contre 26 auparavant. La semaine prochaine ce sera au tour du pain qui passera de 6 meticais les 250 grammes, à 7, soit une augmentation de 17%.

Cette inflation galopante s'inscrit dans une cercle vicieux. Le Mozambique reste extrêmement dépendant des exportations. Cette année, sept de ses onze provinces ont connu de mauvaises récoltes. Depuis 2002, le pays a reçu deux fois moins de pluies qu'à l'habitude. Selon le ministre de l'Agriculture, Soares Nhaca, le Mozambique produit à peine 5% de ses besoins en blé et seulement 257 000 tonnes de riz sur les 527 000 consommées. La plupart des denrées alimentaires viennent donc de l'étranger, notamment d'Afrique du Sud.

Les carburants augmentent. Depuis 2008, le gouvernement subventionne le secteur des transports et maintient artificiellement les prix des carburants en payant aux compagnies pétrolières la différence avec le prix du marché. Faute de trésorerie, le gouvernement d'Armando Guébuza change aujourd'hui de cap. Il doit encore payer plus de 120 millions de dollars américains aux compagnies pétrolières, d'ici la fin de l'année.

Quant à l'eau et l'électricité, les deux sociétés nationales Agua de Moçambique et Eletricidade de Moçambique, avaient envie depuis longtemps d'augmenter leurs tarifs. Le Mozambique est encore en phase d'électrification et cela coûte cher. Les deux entreprises doivent aussi réhabiliter et entretenir leurs infrastructures vieillissantes.
Dans le même temps, le métical connaît une importante perte de vitesse. En juin un euro valait 40 méticais, aujourd'hui il en faut 50 et les prix des denrées alimentaires ont explosé. A Maxaquene, Maria Tunda, une femme de ménage, ne s'en sort plus: « Maintenant on achète un sac de riz de 25 kilos, 2000 méticais (40 euros), je n'en gagne que 1 500 (30 euros), comment dois-je faire pour survivre? »

« Hausse des prix irréversible »

Face à l'ampleur de la crise, un conseil des ministres exceptionnel a été tenu dès jeudi 2 septembre. Deux heures plus tard, le porte-parole du gouvernement Alberto Nkutumula annonce: « le gouvernement va continuer sa politique économique. L'augmentation des prix est irréversible ». Cramponné à son plan quinquennal le gouvernement n'en démord pas: « Il est l'unique solution pour sortir le pays de la pauvreté ».
Pour Alberto Nkutumula, la priorité reste de rompre la dépendance aux importations. La solution est simple: « Les prix ne baisseront qu'une fois que la production mozambicaine augmentera. Et il est normal que l'on ne ressente pas dès maintenant les effets du développement ». Le peuple doit donc se serrer la ceinture et remonter ses manches.

Le gouvernement a déjà prévu une hausse de ses dépenses de 8%, notamment pour développer ses infrastructures de transport et de communication. Cette année pour la première fois, le pourcentage d'aide publique au développement passe en dessous des 50% du budget national. Il est de 45% contre 52% l'année dernière.

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