J’ai eu la chance d’être titulaire durant quasiment toute ma carrière de joueur. Par contre, j’ai eu plein de copains qui étaient remplaçants. J’ai du coup pu voir leur souffrance.
Dès le début de ma carrière d’entraîneur, j’ai donc gardé à l’esprit les visages de mes potes qui ne jouaient pas beaucoup, leur désarroi familial, social ou psychologique…
Les remplaçants ont besoin de sentir beaucoup d’amour. Ils doivent comprendre que le joueur remplaçant d’aujourd’hui peut être le joueur le plus important de demain. On sait d’ailleurs que c’est rarement la même équipe qui débute une Coupe d’Afrique des nations et qui la termine.
Il faut expliquer que tous les joueurs sont importants. Par exemple, lorsque je dévoile ma composition d’équipe, je dispose toujours les vingt-trois noms sur une feuille. J’y inscris les noms des onze, douze, treize ou quatorze joueurs qui vont jouer ainsi que les noms de ceux qui vont être leurs supporters.
Je suis sans arrêt en train de m’occuper des remplaçants, de parler avec eux. J’observe le travail qu’ils effectuent lorsque les groupes sont séparés pour la préparation tactique d’un match. Je me suis ainsi davantage occupé des joueurs qui n’ont pas disputé le match face au Niger. Parce qu’ils ont un double problème dans ces cas-là : ils sont déçus de ne pas avoir joué la veille et ils doivent travailler encore plus, alors qu’ils n’en ont pas envie.
Il y a aussi la question des joueurs remplacés. Il faut toujours expliquer qu’on ne sort pas un joueur du terrain mais qu’on en fait entrer un autre. Cette notion-là est très importante.
Lors de ma discussion d’après-match face au Niger, j’ai certes pointé nos insuffisances, mais j’ai aussi cité tous les points positifs, et j’ai pris Trésor Lualua en exemple. Il a été remplacé à la mi-temps et il aurait pu prendre ça comme une sanction. Or, il a eu un comportement de supporter en deuxième période. Il a été le premier fan de ses copains sur le terrain. J’ai valorisé son attitude qui a été parfaite.
Ça ne m’est jamais arrivé qu’un joueur quitte le groupe (en pleine compétition, Ndlr). Et pourtant, certains grands joueurs ont été remplaçants sous mes ordres. J’ai connu certains joueurs très déçus de ne pas jouer. Mais je n’ai jamais connu de comportements irritants ou insupportables.
J’ai en revanche vécu des moments douloureux lorsque j’ai dû écarter certains joueurs pour la liste des vingt-trois : Théophile Abega, Grégoire Mbida avec le Cameroun, Stephen Appiah avec le Ghana… Appiah, par exemple, était le capitaine de l’équipe du Ghana et venait de la Juventus Turin. Il était en convalescence après une blessure (avant la CAN 2008, Ndlr). Je l’ai finalement gardé avec nous durant toute l’aventure en tant que vingt-quatrième homme. Il ne figurait pas dans le groupe des vingt-trois parce qu’il n’était pas apte à jouer. Par contre, j’ai voulu le garder comme « super capitaine ». Et il a accepté ce rôle.
Il ne faut pas forcément expliquer ses choix aux joueurs. Je regrette, en revanche, qu’on ne leur annonce pas toujours ces choix. Il faut être à la disposition des joueurs. Ils savent en tout cas qu’ils peuvent me voir quand ils veulent.
Je leur annonce toujours mes choix. Du coup, s’ils doivent en vouloir à quelqu’un, c’est uniquement à moi. La relation doit être très claire avec les joueurs. Quand on fonctionne comme ça, les joueurs peuvent avoir totalement confiance en leur entraîneur.
Claude Le Roy est le sélectionneur de la République démocratique du Congo. Il nous fait vivre sa CAN au travers de propos recueillis et retranscrits. Le technicien français dispute en Afrique du Sud sa 7e compétition continentale après avoir dirigé le Cameroun (en 1986 et 1988), le Sénégal (en 1990 et 1992), le Ghana (en 2008) et la RDC déjà (en 2006). La RDC qui évolue dans le groupe B à Port Elizabeth en compagnie du Ghana, du Mali et du Niger.