Hervé Renard : « Aller jusqu’au bout »

Après un très bon parcours en phase de poule et une qualification brillamment obtenue pour les demi-finales (victoire 3 à 0 face au Soudan), Hervé renard, le sélectionneur des Chipolopolo a fixé de nouveaux objectifs à son groupe : aller jusqu’au bout ! 

RFI : Votre objectif initial était d’atteindre les demi-finales. Maintenant que c’est fait, qu’est-ce qu’on ressent ?
Hervé Renard : On ressent une sensation de bien être. La première chose que j’ai l’habitude de faire quand on connaît un moment pareil, c’est de penser au moment difficile que j’ai pu traverser depuis que je suis entraîneur. Il y en a eu et il y en aura encore. Je me dis qu’il faut rester tranquille, il faut savourer, mais intérieurement. Il faut garder une certaine humilité, c’est important dans le football. Dans une prochaine CAN, peut-être que les commentaires auxquels on a le droit ne seront plus les mêmes, parce que l’équipe peut très bien rentrer après le premier tour, avec zéro point, comme certains. Et ce n’est pas forcément à cause de l’entraineur, mais parce que quelque chose n’a pas marché. Et comme je compte en faire beaucoup de CAN, ça arrivera.

RFI : Cette qualification pour le dernier carré vous fait d’autant plus plaisir parce que c’est avec la Zambie…
Hervé Renard :
J’ai de la reconnaissance parce que je suis parti, en 2010, à cause de circonstances familiales. Je n’avais pas spécialement envie de partir. Quelques semaines après ce départ, je me suis aperçu que c’était quelque part une erreur. C’est un miracle qu’on m’ait rappelé, surtout au mois d’octobre 2011. Mes relations avec la fédération étaient fantastiques. Cela me paraissait tellement improbable qu’on me rappelle deux mois et demi avant une CAN. Mais quand vous connaissez par cœur les joueurs, les avantages et les inconvénients et que vous savez qu’il y a moyen de faire quelque chose d’intéressant, c’est un miracle. La fédération, je crois, a reçu une centaine de CV quand Dario Bonetti (sélectionneur des Chipolopolo de juillet 2010 à octobre 2011) est parti. C’est une chance d’avoir été choisi et je les en remercie, tout comme Kalusha Bwalya (Président de la fédération zambienne de football), à qui je dois beaucoup de choses. Il m’avait fait confiance en 2008 alors que je ne venais de nulle part, même si j’avais été adjoint avec le Ghana, et là il me refait confiance. C’est pour ça que j’ai envie de tout donner.

RFI : Cette qualification a-t-elle été plus difficile ou plus facile que prévu ?

Hervé Renard : Paradoxalement, ça a été plus facile. Les joueurs ont retenu la leçon de 2010 où on avait fait de bonnes prestations, mais il manquait de l’expérience, de la rigueur, de l'attention aux détails et la dynamique de groupe, c'est-à-dire la volonté d'accomplir quelque chose de grand. C’est ce qui fait la force d’un groupe. Dans un sport collectif, il faut trouver des mots pour emmener tout le monde dans la même direction et quand ça marche, c’est une aventure humaine extraordinaire.

RFI : Maintenant que ce premier objectif a été atteint, votre groupe garde-t-il les pieds sur terre ? Etes-vous obligé de recadrer vos joueurs ?
Hervé Renard :
Non. Je pense qu’ils sont persuadés qu’on peut gagner la CAN. Sincèrement ! L’objectif : c’est d’aller jusqu’au bout ! Premièrement, se qualifier pour la finale et puis gagner cette coupe. Après, c’est du football. Il reste cent quatre vingt minutes minutes ou plus. C’est peu !

RFI : Vous dites souvent que la Zambie n’a pas un statut conforme à son niveau. Dorénavant, est-ce que vous pensez que cela a évolué ?
Hervé Renard :
Je pense que cela va changer un petit peu, mais pas de là être considéré comme l’un des grands d’Afrique. Le problème, c’est que la Zambie est un pays anglophone. Quand je regarde les informations en France,  on ne parle que de la qualification de Côte d’Ivoire, des deux buts de Didier Drogba, du match d’Alain Giresse avec le Mali, du presque français Gernot Rohr qui affrontait Alain Giresse et puis c’est tout. La Zambie ? Ah oui, elle s’est qualifiée… Voilà ce que j’entends. Ca fait parti du jeu. Je n’ai pas fait une carrière à la Alain Giresse, mais je n’envie rien à personne. Si les médias n’ont pas envie de parler de nous, tant pis pour nous ! Il y en a qui nous oublie, on va essayer de leur rappeler qu’on est là.

RFI : La compétition a débuté, il y a maintenant près de trois semaines. Comment va votre groupe, mentalement et physiquement ?

Hervé Renard : C’est comme quand on part pour un marathon. Quand on au 30ème km, on se dit qu’il en reste encore 12, et quand on arrive dans la dernière ligne droite, dans les derniers mètres, ça redonne de l’énergie ! Le plus dur, c’était les quarts de finales. Maintenant qu’on est dans le dernier carré tout le monde est reboosté parce qu’on est sûrs de jouer deux matches. Quoi qu’il arrive, on est obligés d’aller chercher une médaille. C’est important. On essaye de garder une discipline de groupe relativement restreignante pour les joueurs. A certain moment, il faut lâcher du lest, mais pas trop non plus. On ne peut pas faire n’importe quoi. Là, ça va aller mieux. Dans le vestiaire, après la qualification pour les demies, j’ai dit aux joueurs qu’il ne restait plus que sept jours qui peuvent être extraordinaires !

RFI : Le jour de repos supplémentaire par rapport à votre adversaire (le Ghana) va compter ?
Hervé Renard :
Oui, c’est très important. 24h dans une compétition, lorsqu’on en est à cinq matches, c’est toujours important.

RFI : Donc, maintenant il n’y a plus de pression, ce n’est que du bonus…
Hervé Renard : Oui, en quelque sorte. Mais il y a toujours cette idée au fin fond de notre tête et de notre cœur d’aller à Libreville le 12 février.

Propos recueillis par Romain Lemaresquier et Eric Mamruth

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