Henri Michel: «Les 1/4 de finale de la CAN ? Faut pas rêver !»

Henri Michel est un entraîneur amer. Déçu par ses conditions de travail, le sélectionneur de la Guinée équatoriale a failli démissionner à trois mois de la CAN 2012 co-organisée avec le Gabon. Le chef de l’Etat lui a toutefois demandé de rester. Du coup, le Français va conduire le Nzalang nacional, mais il prévient : gagner des matches et franchir le premier tour sera aussi difficile que gravir l’Everest sans préparation.

RFI : Henri Michel, vous sembliez énervé après le tirage au sort de la CAN 2012.
Henri Michel : Il y a quelques jours, je ne voulais plus travailler, je voulais démissionner mais je n’aime pas ce terme. Depuis le début de ma mission en janvier 2011, on a proposé des tas de projets. Mais rien ne bouge ! Il n’y a toujours pas de championnat en Guinée équatoriale. Des personnes interfèrent aussi dans la composition de l’équipe : j’ai réclamé des joueurs qui n’ont pas été convoqués. A la place, j’ai eu d’autres joueurs que je ne connaissais pas. J’ai d’ailleurs demandé qu’on vérifie leur nationalité car il y a eu cette affaire avec le Burkina Faso (1). Je n’ai pas eu de réponse sur leur éligibilité. Difficile, dans ces conditions, de bâtir une équipe nationale.
Le chef de l’Etat nous a pourtant dégagés de l’argent. Mais j’ai dû trouver des matches amicaux, des stages en France alors que ce n’est pas mon rôle. Ici, personne n’a l’air de soutenir l’équipe nationale. Je réclame pourtant de l’aide depuis un an.
Juste après le tirage au sort, on me demande quelles sont nos ambitions durant cette CAN 2012. Franchir le premier tour et aller en quart de finale ? Il ne faut pas rêver ! On n’a participé à aucune compétition. Avec les mini-stages, on arrive à développer un peu les capacités des joueurs évoluant en Guinée équatoriale. On va d’ailleurs s’appuyer sur eux car ils sont généreux, ont envie de travailler, ne rêvent pas et savent que ça va être difficile. Mais sans soutien, ils ne réussiront pas durant cette CAN.
On me dit aussi qu’une préparation de 15 jours va nous aider. Un an, c’est déjà court pour préparer une Coupe d’Afrique des nations…

RFI : Qu’est-ce qui vous a décidé à rester alors ?
Henri Michel : Je suis resté parce que le Président (Teodoro Obiang Nguema) me l’a demandé. Je n’ai pas voulu faire un sale coup à la Guinée équatoriale à deux mois du coup d’envoi. Le chef de l’Etat m’a demandé d’offrir un visage plaisant du pays avec cette  équipe. Je n’ai qu’un seul objectif durant cette CAN 2012 : faire bonne figure.

RFI : Votre poule, à Bata, est composée du Sénégal, de la Zambie et de la Libye.

Henri Michel : Chaque match va représenter la montée de l’Everest. On peut le gravir, mais sans entraînement ça va être compliqué. On était 157e nation au classement Fifa à mon arrivée, ici, en janvier 2011. Je ne vois pas sur quoi on va pouvoir s’appuyer pour gagner ces matches.
Cette équipe nationale a été prise en otage par quatre ou cinq joueurs pendant des années. Ces joueurs-là percevaient les primes de leurs coéquipiers. J’ai voulu instaurer une égalité de traitement mais ces joueurs s’y sont opposés. Ils ont même fait signer un contrat aux joueurs locaux selon lequel ces derniers renoncent à leurs primes. C’est inacceptable !

RFI : Vous avez entraîné dans plusieurs pays en Afrique. Au Cameroun, au Maroc, en Côte d’Ivoire, en Tunisie, en Egypte ou en Afrique du Sud. Est-ce que vous aviez déjà connu une telle situation sur le continent ?
Henri Michel : Non, jamais. Pourtant, j’en ai vu des vertes et des pas mûres. C’est ahurissant ce qui se passe ici. On part avec rien. Depuis février, on réclame qu’une compétition, n’importe laquelle, soit mise en place. J’essaie de protéger les joueurs des attentes exorbitantes de résultats mais j’essaie de me protéger aussi.

RFI : Dans ces conditions, comment allez-vous travailler avant cette CAN 2012 ?
Henri Michel : On oublie qu’il y a aussi les éliminatoires de la Coupe du monde 2014 avec deux matches contre Madagascar en novembre. Tout le monde pense qu’il suffit de se présenter sur le terrain pour battre les Malgaches. Le football de haut niveau, ça ne se passe pas comme ça.

Propos recueillis par Olivier Pron et David Kalfa à Malabo

(1) Henri Michel fait référence à l’affaire Hervé Zengue. Ce défenseur camerounais a été naturalisé burkinabè et a disputé avec les éliminatoires avec les Etalons. La Namibie, adversaire du Burkina Faso, a remis en cause la naturalisation de Zengue auprès de la CAF. La Confédération africaine a finalement estimé qu’Hervé Zengue était bien burkinabè.

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