Né à Irun le 11 juin 1867, dans une famille de souche poitevine, des environs de Niort, Victor-Emmanuel Largeau est le fils d’un paysan typographe, mais surtout un explorateur qui voue sa vie au voyage et à la découverte, notamment de l’Afrique centrale entre 1874 et 1879. Bachelier, mais désirant sans doute s’éloigner d’une ambiance familiale trop rigide, Largeau s’engage en août 1885 au 3e régiment d’infanterie de marine et sert au Sénégal. Reçu en 1888 à l’école militaire d’infanterie de Saint-Maixent, il devient élève-officier en 1889 et est affecté au 1er RIM à Cherbourg. Il retourne au Sénégal, puis rejoint la mission du haut Oubangui (1894) avant d’aller en Côte d’Ivoire, servir sous les ordres de Monteil, au sein de la colonne de Kong qui connaît de durs combats (Largeau est cité au siège de Bounoua) et des difficultés de déplacement considérables.
Au cours de cette odyssée, Largeau apprend l’arabe et a l’occasion de se lier avec Marchand et Baratier. En 1895, Largeau sert au 4e RIM à Toulon puis au ministère des colonies. Il retrouve Marchand et Baratier de 1896 à 1898 lors de la mission « de l’Atlantique à la mer Rouge » commandée par le capitaine puis chef de bataillon Marchand qui a reçu pour objectif Fachoda. Promu capitaine pendant l’expédition en 1898, Largeau à son retour en France obtient le brevet d’état-major.
Commandant du Tchad
Nommé en janvier 1900 chef de bataillon, à 31 ans, et ayant effectué neuf campagnes, Largeau est désigné deux ans plus tard, en 1902, commandant du territoire du Tchad, qui sera rattaché à l'Afrique équatoriale française quelques années plus tard. Largeau effectue quatre séjours au Tchad : 1902-1904, 1906-1908, 1911-1912 et de 1913 à 1915.
Lorsqu’il quitte le pays en 1915, il a la satisfaction de voir son œuvre presque achevée : il a amené le territoire dans les limites extrêmes reconnues alors par les accords internationaux, limites définitives, qui sont encore les siennes aujourd’hui si l’on excepte la région du Tibesti, occupée en 1913 à partir du Niger, alors rattachée à l’Afrique occidentale française et qui est réunie au Tchad le 11 novembre 1929.
En 1914, à 47 ans, Largeau est nommé général de brigade à titre temporaire (à titre définitif en mai 1915). Avant de quitter le Tchad, il commande les opérations contre les troupes allemandes au Cameroun et commence par attaquer Kousseri, situé en face de Fort-Lamy. Après le départ de Largeau, les forces franco-anglaises poursuivent la conquête du Cameroun allemand qui est achevé en février 1916.
De Fort-Lamy à Verdun
Très fatigué, malade même, il a servi 30 années, dont 20 de campagnes en Afrique dans des conditions très difficiles. Le Tchad étant pacifié et protégé des incursions allemandes du Nord-Cameroun, Largeau demande à être rapatrié, non pour se reposer, mais pour prendre un commandement sur le front français. Il quitte définitivement Fort-Lamy le 27 juillet 1915 et sert en état-major avant de prendre le commandement de la 37e brigade d’infanterie en janvier 1916.
Le 21 février débute la bataille de Verdun. Atteint par des éclats d’obus, Largeau trouve la mort le 26 mars 1916, dans le secteur du bois d’Avocourt. En 1921, il est enterré à Magné, petit bourg des environs de Niort et berceau de sa famille.
Trois pièces patrimoniales particulièrement symboliques contribuent à illustrer la carrière du glorieux défunt. En effet, le cercueil de Largeau est simplement recouvert du drapeau tricolore qu’il a lui-même planté sur les murs de pisé de Fachoda ; et deux trophées sont disposés près du cercueil : l’étendard des Sénoussistes enlevé à Aïn Galaka le 27 novembre 1913; et le drapeau colonial de l’Empire allemand pris à Kousseri le 20 septembre 1914. Un monument commémoratif à la gloire des Largeau, père et fils, est érigé à Niort et inauguré le 14 juillet 1931.
Article rédigé en 2010 à l'occasion du cinquantenaire des indépendances africaines.