D’abord hostile à toute expansion coloniale, le chancelier allemand Otto von Bismarck, se rallie à une politique de protection des sociétés commerciales allemandes présentes en Afrique de l’Est. Mais à peine la Société allemande de l’Afrique de l’Est voit-elle le jour, qu’elle se heurte à la révolte des commerçants arabes qui voient en elle une menace pour leur monopole sur le commerce des esclaves, de l’ivoire et du caoutchouc. En prétextant la suppression de la traite des noirs, le Reich va donc assumer un engagement militaire. Le 28 octobre 1890, le sultan de Zanzibar cède les territoires de l'île et du continent pour 200 000 £.
Hermann Wissmann, nommé commissaire en Afrique de l’Est constitue une première armée de quelque 850 soldats africains (Soudanais, Egyptiens, Askaris, Zoulous et Somalis) et 80 Européens.
L’expérience impériale allemande donne lieu à un effort de connaissance des populations colonisées. Les officiers prussiens recueillent de nombreuses informations sur la religion, les mœurs et coutumes des ethnies africaines, et saluent leurs qualités de combattants. Tandis qu’on vante le «sang froid et la bravoure» des Soudanais, les Swahili-askari sont réputés être d’excellents espions ou éclaireurs.
Inexpérimentée en matière de colonisation, l’Allemagne accumule les maladresses. Tandis que, jugé trop coûteux, la majorité de l’encadrement allemand est renvoyé en Europe, on assiste au développement des révoltes africaines, qui prennent le caractère de véritables guerres.
Outre la sanglante répression des Herreros dans le Sud-Ouest africain (Namibie), qualifiée de génocide, l’une des plus importantes est celle de «Maji-Maji» (1905-1907) au Tanganyka (Tanzanie actuelle) pendant laquelle les troupes allemandes peu nombreuses affament et dévastent les populations, faisant près de 300 000 morts.
Les askaris des forces militaires allemandes y gagnent une réputation de cruauté : ces soldats noirs qui s’étaient battus «contre leurs frères de tribu, contre leurs propres parents», sans traitrise, sont encensés. Récompensés par l’Allemagne, ils se voient verser une retraite et décerner des médailles dans le but de maintenir le sentiment d’appartenance à l’armée.
Pendant la Première Guerre mondiale, les forces allemandes en Afrique offrent peu de résistance.
Seule exception, l’Afrique de l’Est. Les soldats blancs et les askaris sous le commandement de Paul von Lettow-Vorbeck ne se rendent qu’après l’armistice de novembre 1918, ayant résisté pendant quatre années aux attaques alliées.
Cette guerre, peu importante au vu des effectifs mobilisés (3600 Allemands et 14 500 askaris) a pourtant fortement marqué l’imaginaire allemand. L’événement fut glorifié, mythifié. On développe une propagande visant à motiver les troupes malmenées d’Europe. Symboles de la résistance face à l’ennemi, de la loyauté et de la fidélité, les mérites des askaris sont exagérés (ainsi, selon Lettow-Vorbeck lui-même, il y eut 2 600 déserteurs et 4 340 disparus).
Après l’armistice, la guerre en Afrique de l’Est devient le symbole de la revanche. Elle sert également à contrer les critiques des alliés contre la politique coloniale allemande. Maints commentateurs s’efforcent de démontrer que «le bon askari allemand» s’oppose au tirailleur sénégalais français, primitif et cruel.
Pauline Quinquis
Master de journalisme européen, Université de Reims