Seuls deux Africains ont disputé les Jeux paralympiques d’hiver depuis leur première édition, en 1976 : le Sud-Africain Bruce Warner en 1998, 2002, 2006 et 2010, et surtout l’Ougandais Tofiri Kibuuka, en 1976 et en 1980.
Précurseur, Kibuuka est aussi un cas à part. Car cet athlète malvoyant a ensuite disputé cinq autres Jeux paralympiques… mais d’été et pour la Norvège.
Vers l'âge de 12-13 ans, Tofiri Kibuuka a été victime d’une maladie dégénérative de la vue. Il n’a ainsi jamais vraiment pu admirer la neige. Mais elle ne lui était pas étrangère, lorsqu'il a écrit une page du sport africain aux Jeux de Örnsköldsvik (Suède)
Des hauteurs du Kilimandjaro aux pistes norvégiennes
Durant ses années d’études au Kenya, il participe en effet à course en extérieur sur les pentes de la plus haute montagne d’Afrique (5 895 mètres), en 1969. « C'est ainsi que je suis devenu l'un des premiers aveugles à avoir escaladé le mont Kilimandjaro et que j'ai été invité à participer à un camp international de jeunes sportifs en Norvège », expliquait l’intéressé en 2016 au site du Comité international paralympique (CIP).
En 1972, Tofiri Kibuuka effectue un séjour dans le Nord de l’Europe crucial pour la suite de son incroyable parcours. « Pendant ce camp, j'ai essayé le canoë, le kayak et l'équitation en été. Et quand l'hiver est arrivé, j'ai eu ma première expérience de ski, racontait-il. Au début, j'essayais de ne pas tomber. Les Norvégiens sont nés avec des skis aux jambes, mais c'était dur pour moi. Je n'avais aucune technique ».
Deux premiers Jeux paralympiques marquants
Peu à l’aise en ski de fond, l’Ougandais, qui s’est installé en Norvège, persiste pourtant dans cette discipline. « Je voulais devenir le premier para-athlète africain d'hiver », justifie celui qui a terminé 10e sur une course de 15 km et 16e à une autre de 10 km, en 1976. En 1980, à Geilo, dans son pays d’adoption, il fait un peu mieux avec la 12e place sur 10 km et la 11e sur 20 km.
« Ce dont je me souviens le plus durant ma première expérience paralympique hivernale, c'est qu'il faisait si froid, narre-t-il au sujet d’Örnsköldsvik. J'étais très nerveux parce que je voulais faire de mon mieux. Le prince suédois est venu vers moi et les autres concurrents avant la course et nous a souhaité bonne chance ». Il ajoute : « Je suis vraiment fier d'être devenu le premier para-athlète africain d'hiver. Je n'étais pas un bon skieur, mais j'étais courageux. »
Six médailles en course à pied
Durant les années qui suivent, Tofiri Kibuuka se concentre sur la course à pied, une discipline beaucoup plus convenue pour un Ougandais. En 1981, celui qui est devenu kinésithérapeute commence même à représenter la Norvège en para-athlétisme. Avec beaucoup de succès. Durant les trois Jeux paralympiques d’été suivants (1984, 1988, 1992), il remporte six médailles – cinq en argent et une en bronze – sur quatre distances différentes : 800 m, 1500 m, 5000 m et marathon.
Des performances qui lui valent d’être le porte-drapeau norvégien aux Jeux paralympiques de 1996, à Atlanta. « C'était un tel honneur de porter le drapeau norvégien et de devenir le premier homme noir à le faire ! », s’extasiait-il, 20 ans après.
En 2020, interrogé par la BBC, il résumait, fier : « J’ai un pied en Ouganda et un pied en Norvège. » Et une histoire unique.