Athlétisme: 2020 ou le vertige d’une année vierge

Avec la pandémie de coronavirus, l’athlétisme est à l’arrêt depuis la fin de la saison hivernale en mars. En France, à ce moment-là, les championnats de cross avaient été annulés. Depuis, tout est au point mort.

La saison sur piste de l’athlétisme, sport estival par excellence, n’a toujours pas débuté. La Ligue de Diamant, le circuit majeur de l'athlétisme mondial dont le coup d'envoi devait être donné le 17 avril à Doha (Qatar), est à l’arrêt.

Le Championnat d’Europe qui devait avoir lieu du 25 au 30 août à Paris a été rayé du calendrier. La décision de son annulation pure et simple a même surpris. Ce devait être l’unique grand rendez-vous de l’été après le report des Jeux olympiques de Tokyo. « Depuis le confinement, je me doutais que les Jeux olympiques et les Championnats d'Europe n’auraient pas lieu, commente le recordman du monde du décathlon Kevin Mayer. Je m'entraîne pour la prochaine compétition tout en ne sachant pas où et quand elle pourrait avoir lieu. »

Plus de grand objectif sportif cette saison

D’autres têtes d'affiches de l'athlétisme tricolore, notamment Mélina Robert-Michon sont évidemment déçus. « Ça ressemblait à la dernière chance d'avoir un bel évènement cet été. Quoi qu'il en soit il faut s'entraîner pour les Jeux de l'année prochaine », souligne la vice-championne olympique du disque. Les athlètes sont privés de leur dernier grand objectif sportif de la saison d'autant que la Fédération internationale d'athlétisme a suspendu la période de qualification pour les JO de Tokyo jusqu'au 30 novembre prochain.

« La piste, à mon avis c’est terminé pour cette année », confie à RFI Florian Carvalho, athlète français, spécialiste des courses de demi-fond. « Je m'entraîne autour de chez moi. J’arrive à me motiver, même s’il n’y a pas d’objectif pour le moment. Mais normalement, on est en pleine saison et c’est un peu bizarre. S’entraîner seul ce n’est pas évident. Le sport, c’est du partage et de l’échange. C’est ce qui me manque le plus en dehors de la compétition. Une année sans compétition, ce serait quelque chose d’inédit. J’imagine qu’il y aura un impact fort sur les performances. Il n’y a rien qui remplace un entraînement normal et les compétitions », explique celui qui avait été sélectionné pour les JO de 2012 à Londres.

« Nous n’excluons pas le scénario-catastrophe d’une année vierge, déclare à Ouest-France André Giraud, président de la Fédération française d’athlétisme (FFA). Mais qui peut dire ce qu’il se passera demain ? » André Giraud est inquiet : « S’il n’y avait aucune compétition en 2020, cela pourrait mettre en péril la vie de la FFA (son budget est de 24 M€). Nous avons les finances pour faire face à deux-trois mois de suspension. Nous restons optimistes en tablant sur une arrière-saison qui peut nous permettre de rebondir autant que faire se peut. » La soixantaine d'athlètes de haut niveau payée par les clubs est aussi au centre des préoccupations de la Fédération, qui « fait tout pour maintenir leur salaire », selon André Giraud.

Des athlètes bientôt lachés par les sponsors ?

« Les athlètes sont comme des commerciaux et ils vont chercher des primes dans le meeting, comme ceux de la Ligue de Diamant », explique à RFI Kévin Hautcœur, qui représente notamment Pierre-Ambroise Bosse, spécialiste du 800 mètres, champion du monde en 2017 et Jimmy Vicaut (seul Français à descendre sous la barre des 9 s 90 sur 100m). Le risque de les voir perdre une année financière est réel. « Pour le moment, les équipementiers ne vendent rien et ne peuvent pas réinvestirent sur les athlètes. Les marques vont peut-être réduire la voilure, précise Kévin Hautcœur. Sans compter les coupes budgétaires des collectivités. »

Certains athlètes peuvent avoir 70 % de leur revenu de la part d’un équipementier. D'autres comptent beaucoup sur les villes ou les Conseils généraux. Et il ne faut pas négliger que la plupart du temps, les contrats sont signés en vue de l’échéance olympique qui a été reportée en 2021. Un vrai casse-tête pour certains en fin de contrat.

La plupart des acteurs de l’athlétisme ont débuté leur entraînement en septembre dernier pour être performants cet été. Que peut-il bien se passer dans leur tête, quand il n’y a plus d’objectif, plus de compétition, et que le flou reste de mise pour les prochaines semaines ?

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