Foot-Premier League: les mots d’Özil sur les Ouïghours crispent la Chine

Le choc du championnat d’Angleterre Arsenal-Manchester City (0-3) n’a pas été diffusé en Chine. La chaîne CCTV l’a déprogrammé en raison du soutien public affiché par l’Allemand Mesut Özil, joueur d’Arsenal, en faveur des Ouïghours du Xinjiang. Une position qui met dans l’embarras les Gunners et la Premier League.

Bien qu’Arsenal ne compte plus parmi les favoris au sacre en Angleterre (le dernier titre remonte à 2004 et le dernier podium à 2016), une affiche entre les Londoniens et Manchester City reste alléchante. C’était d’ailleurs le match principal de la 17e journée de Premier League disputée ce week-end. Pourtant, au coup d’envoi de la rencontre en fin d’après-midi dimanche 15 décembre, point de Gunners et de Cityzens sur les écrans en Chine.

La décision est tombée en début d’après-midi : CCTV, la télévision d’État chinoise, a déprogrammé la rencontre de son antenne. À la place, les téléspectateurs ont eu droit à une diffusion en différé du match Tottenham-Wolverhampton.

La Chine ne digère pas ces accusations

La Chine a très peu apprécié une publication particulière aperçue sur les réseaux sociaux. Cette publication est signée Mesut Özil. Le milieu offensif allemand, d’origine turque, s’est exprimé sur un sujet sensible à Pékin : la répression de la Chine contre les Ouïghours, minorité musulmane du Xinjiang.

Dans un message rédigé en turc et posté sur Instagram et Twitter le 13 décembre, le joueur d’Arsenal, qui est d’obédience musulmane, dénonce : « Des Corans sont brûlés... des mosquées détruites... les écoles islamiques interdites... des intellectuels religieux tués les uns après les autres... Des frères envoyés par la force dans des camps. Les musulmans restent silencieux. On n'entend pas leur voix. »

Ledit message laisse apparaître en fond le drapeau du Turkestan oriental, adopté par les séparatistes ouïghours. Avec ces mots, Mesut Özil a irrité Pékin. Le quotidien chinois Global Times écrit que « les internautes et fans de foot chinois sont en colère et déçus par Mesut Ôzil », estime les accusations énoncées comme « fausses » et rappelle que la Chine n’a historiquement jamais parlé de Turkestan oriental, mais de Xinjiang. La position d’Özil a compté parmi les sujets les plus discutés ces deux derniers jours sur le réseau social chinois Sina Weibo. Une campagne de boycott du champion du monde 2014 a même démarré.

La Chine, un marché incontournable

C’est justement sur Sina Weibo qu’Arsenal est exceptionnellement sorti de sa réserve samedi 14 décembre. Le club a publié un communiqué rappelant que le message qui a mis le foudre aux poudres « est l’opinion personnelle d’Özil » et qu’ « en tant que club de football, Arsenal a toujours adhéré au principe de ne pas s’impliquer dans la politique ».

La fâcherie de la Chine est un casse-tête pour Arsenal comme pour la Premier League. Le continent asiatique et le pays représentent un marché très juteux pour le développement et la santé économique des Gunners et du championnat le plus suivi et le plus lucratif du monde. En 2014, Arsenal avait même noué un partenariat avec l’entreprise Huawei, alors en pleine extension sur le marché des smartphones.

En octobre, c’est un autre sujet sensible qui avait semé le trouble entre la Chine et la NBA, le puissant championnat nord-américain de basket. Le soutien du directeur général des Houston Rockets aux manifestants pro-démocratie à Hong Kong avait été à l’origine de tensions diplomatiques. Plusieurs sponsors chinois ont depuis mis en suspens leur contribution. La télévision chinoise, elle, a entamé un boycott des rencontres de NBA. Un boycott toujours d’actualité puisque les dirigeants de la NBA refusent de s’excuser. Pourtant, les conséquences financières sont « assez dramatiques » de l’aveu même du président de la NBA, Adam Silver, mi-octobre. Dans le sport-business, il ne fait pas bon froisser la Chine.

Özil a déjà fait grincer des dents en Allemagne

D’un point de vue uniquement sportif, les téléspectateurs chinois n’ont pas vu Manchester City écraser Arsenal à l’extérieur, à l’Emirates Stadium (3-0). Mesut Özil, lui, n’a joué que 59 minutes avant d’être sorti du terrain par l’entraîneur Fredrik Ljungberg. Sifflé par une partie du public mécontent de sa performance sans relief, l’Allemand a quitté la pelouse énervé.

Mesut Özil n’a pas évoqué à nouveau la situation des Ouïghours en Chine. Ce n’est toutefois pas la première fois qu’il se retrouve au milieu d’une polémique d’ordre géopolitique. En mai 2018, lui et son compatriote Ilkay Gündogan, également d’origine turque, ont posé pour une photo en compagnie du président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan. Un cliché qui leur a été reproché en raison des tensions entre plusieurs dirigeants européens, dont la chancelière Angela Merkel, et le chef d’État turc sur différents sujets comme la situation en Syrie ou la crise migratoire.

Quelques semaines plus tard, Mesut Özil avait décidé de prendre sa retraite internationale, dénonçant au passage des attaques à son égard qui seraient liées à du racisme contre ses origines turques. Le débat avait agité l’Allemagne. Aujourd’hui, c’est un autre sujet qui brouille la ligne entre la Premier League et la Chine.

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