« Les Mondiaux de cross étaient très prisés par tous les pays européens jusque dans les années 1980 et 1990, disait il y a deux ans à RFI Jean-François Pontier, manager des disciplines hors stade au sein de la Fédération française d’athlétisme. Mais l'hégémonie africaine a provoqué une désaffection européenne ». Pour l’édition 2017 qui a lieu en Ouganda, le constat reste le même. L’Europe ne sera pas très représentée à Kampala : l’Italie n’a même pas pris le soin d’aligner un seul athlète sur la course seniors des hommes. « Il y a 20 ans, on se battait pour aller aux Mondiaux, maintenant ce n’est plus la priorité », nous avoue-t-il aujourd’hui.
L'Espagne, la nation européenne la mieux représentée
Depuis une dizaine d’années, la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) a même du mal à trouver un endroit pour organiser les Mondiaux de cross. Les raisons : une discipline très peu médiatisée, en perte de vitesse sur la plupart des continents, excepté l’Afrique de l’Est. Dimanche, l’hégémonie des Kenyans (tenant des titres masculin et féminin seniors) ou des Ethiopiens devrait encore être de mise, à moins que les Ougandais tirent leur épingle du jeu à domicile.
A part l'Espagne qui sera représentée dans les cinq courses du jour avec un total de 28 athlètes, les autres pays européens n’ont pas jugé nécessaire de faire le déplacement en masse juste pour la figuration.
Trop haut, trop chaud et mal placé par rapport au calendrier européen
« La défection des Mondiaux par les pays européens est un sujet qui revient sans arrêt, encore plus cette année avec un parcours en altitude et la chaleur », explique la Française Annette Sergent, double championne du monde de cross-country en 1987 et 1989, élue au comité de l’IAAF. Il devrait faire autour de 30° à 1200 mètres d’altitude.
Il faut dire aussi que la date choisie pour organiser les Mondiaux est beaucoup trop loin de celle des championnats d’Europe, qui ont eu lieu en décembre. Ce qui oblige un athlète européen à commencer sa préparation début septembre. « Nous avons demandé à ce que la date soit changée, mais cela n’a pas été accepté, car il y a les championnats d’Europe en salle (3-5 mars dernier à Belgrade, ndlr) », avoue Annette Sergent.
Si l’Afrique a la chance d’avoir pléthore de coureurs, ce n’est pas le cas de l’Europe. Même le Britannique Mo Farah, qui peut rivaliser avec les meilleurs coureurs africains, ne sera pas présent à Kampala.
Une discipline à la traîne en Europe
La France, elle, n’aura que trois représentants chez les hommes : un junior et deux seniors. « Je ne sais pas trop où me situer. Je viens de voir qu’il y a 159 participants, dont beaucoup d’Africains. Entrer dans les 50 premiers, c’est vraiment très fort. Je sais que ça va être compliqué et que je peux faire aux alentours de la 70e place », explique Emmanuel Roudolff-Levisse sur le site internet de la Fédération française d’athlétisme. Son père Pierre avait été champion du monde de cross par équipes en 1978. « Nous avons des Français qui seront là pour acquérir de l'expérience », admet Jean-François Pontier.
« C’est dommage de ne pas se frotter au haut niveau international. Il faut relancer la machine des Mondiaux de cross. Le cross doit faire sa révolution pour devenir plus fun. C’est un sport un peu à la traîne et l’IAAF en a conscience. Les parcours doivent être plus variés », avance Annette Sergent. Dans la capitale ougandaise, sur un anneau en herbe de deux kilomètres entrecoupé de deux bosses, la manifestation inaugure un nouveau format : le relais mixte composé de deux femmes et deux hommes, chacun couvrant un tour.
Selon Annette Sergent, cette discipline très exigeante lui a permis de se « construire » en tant qu’athlète. « Au niveau mental, c’est un sport important. On doit donner le meilleur de soi-même. Il y a aussi la notion d’équipe qui compte énormément », argumente-t-elle.
Sauf que le cross doit faire face à la concurrence des courses sur route qui arrivent avec les premiers marathons (Rome le 27 mars) et aussi les meetings sur piste, aux allocations bien plus attrayantes. A cette époque de l’année, soit les athlètes européens font leur coupure, soit ils préparent les grands évènements à venir. « Le cross, c'est quand même le summum du demi-fond », regrette Jean-François Pontier.