Sur la page d’accueil du site internet du Paris-Saint-Germain, on parle plusieurs idiomes exotiques, mais il en est un qui surprend plus que les autres. Le « bahasa indonesia », littéralement « langue de l’Indonésie », est devenue un parler incontournable pour les grands clubs européens à l’appétit sans frontières.
Avec près de 250 millions d’habitants dont une belle part de férus de ballon rond, la planète foot s’est découvert sur l’archipel un nouveau terrain de jeu. Un eldorado où ce sport est omniprésent. Dans les quartiers populaires comme dans les centres commerciaux de la capitale Jakarta, dont les vastes rayonnages sont des temples dédiés aux grandes formations européennes, regorgeant de maillots et produits dérivés qui font la panoplie du supporteur transi.
L’attaquant camerounais Christian Bekamenga, aujourd’hui à la pointe de l’équipe de Troyes, a passé la saison 2007 dans ce championnat du bout du monde. « C’était génial, les stades étaient pleins et tout le monde n’arrivait pas à entrer », témoigne-t-il. Une ferveur qui trouve notamment ses origines dans trois siècles de colonisation néerlandaise puis britannique, deux grandes nations de football.
Les équipes et leur ligue locales, la Liga indonesia, profitent peu de cette folle passion, pour une grande part dévolue aux compétitions étrangères. « En Indonésie, chaque grand club européen possède son fan club qui marche très bien », assure Jules-Denis Onana, ancien international camerounais reconverti agent de joueur dans le pays.
Real Madrid, Premier League et PSG
Dans le cœur des insulaires, c’est le Real Madrid et la Premier League anglaise qui emportent les préférences. La Ligue 1 française y est quasiment absente. Seul le puissant PSG parvient à surfer sur l’engouement. L’ogre parisien lançait en 2013 la version indonésienne de son site internet et regardait déjà le pays avec de grandes ambitions. « L’Indonésie, et l’Asie plus largement, est un marché qui possède un extraordinaire potentiel de fans de foot, expliquait alors Jean-Claude Blanc, directeur général délégué du club. On a aussi choisi l’Indonésie parce que c’est un grand pays et, bien sûr, parce que la Ligue 1 y est diffusée et que le PSG y représente un centre d’intérêt croissant puisque c’est souvent le choix prioritaire des diffuseurs. Notre ambition ne se limite pas au lancement du site, mais s’étend à la création d’une véritable plateforme multimédia. » « Les Indonésiens sont tous des fans de football et nombreux sont ceux qui suivent déjà les exploits du Paris-Saint-Germain », abondait l’ambassadeur indonésien à Paris Rezlan Ishar Jenie.
Une tournée sur l’archipel, passage obligé pour les équipes européennes et leur contingent de stars, était même dans les tuyaux. Mais le projet risque d’être contrarié par la dégradation des relations entre la France et l’Indonésie suite à l’affaire Atlaoui. Serge Atlaoui est un ressortissant français condamné à mort en Indonésie pour trafic de drogue. Paris a demandé à ce que la sentence ne soit pas appliquée, ce que Jakarta refuse. Et alors que le sort du Français est toujours en suspend, sa famille a demandé au PSG d’user de son influence pour le sauver. Réponse de Jean-Claude Blanc par communiqué : « A nos yeux, un club de football et ses joueurs doivent s'en tenir aux limites de leur territoire de légitimité et de compétence, fut-ce pour soutenir un ressortissant français. »
Kurniawan le maigrichon
Il était également question en 2013 de la création d’une école de football dans le pays. Les Anglais d’Arsenal eux, ont ouvert une académie il y a déjà plusieurs années. Le club londonien fidélise ainsi des générations d’Indonésiens. Et si un joueur sort du lot, c’est toujours ça de pris. Les cas sont rares. Un seul footballeur indonésien a foulé les pelouses du vieux continent. L’attaquant Kurniawan, dit « Kurus », le maigrichon. Buteur véloce, il a joué dans les années 1990 avec les espoirs de la Sampdoria de Gênes en Italie, avant de partir pour la Suisse à Lucerne. Mais l’aventure européenne de « Kurus » n’aura pas excédé une saison.
En dépit de cette ferveur populaire extraordinaire, le niveau du football local ne bondit pas. L’Indonésie croupit à la 159e place du classement Fifa (Fédération internationale de football association) et ne compte qu’une unique participation à la Coupe du monde. En 1938. Pour ne rien arranger, la Fifa menace d’exclure l’Indonésie du football international. Elle reproche au ministère indonésien des Sports son ingérence dans les affaires de la fédération nationale, la PSSI.