RFI : Bérenger Bosse, cette saison 2014 peut-elle être votre meilleure saison ?
Bérenger Bosse : Oui. Je suis davantage un coureur en salles (qu’en extérieur). Même mon entraîneur me le dit. Je l’ai déjà prouvé en 2012, en étant vice-champion de France (3e en fait, Ndlr) avec un record personnel à 6 secondes 65. Depuis cette performance, chaque année, j’ai été blessé. Mais, cette année, je me suis bien préparé psychologiquement et physiquement avec l’aide de mon club. Je me suis préparé en vue des Championnats du monde en salle. Pour le moment, tout à l’air de bien se passer. Mon entraîneur et mon entourage me disent que je peux créer la surprise (aux Mondiaux de Sopot). Je suis bon lors des départs de course. Si je suis efficace sur la fin de la course, ça peut passer.
Ces Mondiaux 2014 en salle sont-ils votre principal objectif cette saison ?
Oui. Je n’avais pas pu participer à l’édition 2012 en Turquie, à cause des problèmes de mon pays et des soucis de la Fédération centrafricaine. […] J’étais qualifié, j’avais fait les temps « minima ». Mais j’avais connu des problèmes (administratifs) pour m’engager. Cette année, j’espère que ça ne va pas se reproduire, malgré la situation en Centrafrique… Je n’ai pas encore reçu la confirmation de ma participation (aux Mondiaux 2014), mais j’espère la recevoir dans les prochains jours. […] Ces Championnats du monde sont mon principal objectif et ça fait deux ans que je les prépare. Si je participe à ces Mondiaux en Pologne, je peux atteindre les demi-finales, voire la finale (sur 60 mètres).
Etes-vous aussi bien suivi par les autorités sportives centrafricaines que les footballeurs et les basketteurs ?
Les footballeurs sont bien suivis. Leurs déplacements sont toujours bien organisés. C’est pareil pour les basketteurs. En athlétisme, je suis le seul à défendre les couleurs centrafricaines dans les différents championnats. Mais ce n’est pas facile pour autant pour la Fédération d'athlétisme d'obtenir un soutien de la part du ministère des Sports. J’ai quitté Dakar en 2008, après les Jeux olympiques de Pékin (où il avait été éliminé dans la 2e série, Ndlr). […] Je me suis installé en France pour continuer mes études, notamment. Mais je n’ai eu ni aide, ni bourse, ni quoique ce soit. Heureusement que le club de Reims me soutient, m’aide pour les études… J’aimerais bien que mon pays me soutienne comme il soutient le football et le basket-ball. […] Tout ce que je souhaite, c’est pouvoir participer aux grands championnats lorsque j’ai réussi les « minima ».
Au-delà des problèmes administratifs, la situation en Centrafrique vous inquiète-t-elle ?
Oui. Tout ça a d’ailleurs un peu freiné ma préparation. Toute ma famille est à Bangui. Dieu merci, ils sont sains et saufs. Ça m’a soulagé. Tout ce que j’ai vu aux informations a joué sur mon moral. Quand je marche dans la rue, les gens savent que je suis centrafricain et ils me parlent de la situation. J’espère que les choses vont vite se calmer et que la transition se passera bien.
La situation a-t-elle affecté votre quotidien ?
Oui, surtout au début. Le premier mois, j’étais très stressé. Aux entraînements, je n’arrivais pas à être détendu. Heureusement, j’ai le soutien de mon entourage et de mes collègues. Et puis, j’ai compris que ne pas m’entraîner ne changerait rien à ce qui se passe dans mon esprit. Du coup, j’ai essayé de profiter des entraînements pour oublier ce qu’il se passe. Le reste du temps, j’appelle matin, midi et soir au pays pour prendre des nouvelles de mes proches, de ma famille. Ça m’aide à passer un peu à autre chose. Mais, je n’ai que ça en tête. Et ça me motive pour défendre les couleurs de mon pays, même si on est en état de guerre.
Vous avez quitté le Centrafrique en 2005 et vous avez passé trois ans à Dakar avant de rejoindre la France. Aviez-vous imaginé que la situation puisse dégénérer à ce point dans votre pays ?
[…] Je ne pensais pas que nous, les Centrafricains, on en arriverait à cette situation. Je n’arrive pas à me dire que ça nous arrive à nous. Je connais mon pays, je connais la mentalité centrafricaine. Du coup, ce que j’ai vu aux infos, j’ai eu du mal à croire que ça se passait à Bangui...
Retourner à Bangui vous paraît-il possible dans l'immédiat ?
J’ai toujours envisagé d’y retourner. Ça reste mon pays. Des gens s’y battent aussi pour la paix. Si mon retour à Bangui peut aider à changer des choses, je n’hésiterai pas une seconde. A part mon fils et moi, j’ai toute ma famille là-bas. Je rêve toujours de rentrer, malgré ces événements. S’il n’y avait pas eu mon entraîneur et mon entourage ici, je serai allé à Bangui, auprès de ma mère et du reste de ma famille, pour affronter cette situation avec eux.