Taxe à 75%: les clubs français feront grève contre un super impôt

Pour la première fois depuis plus de quarante ans, le football français pourrait faire grève à l'occasion de la 15e journée de Ligue 1 et la 16e journée de Ligue 2, du 29 novembre au 1er décembre 2013. Les présidents des clubs français l'ont décidé jeudi 24 octobre, lors d'une assemblée générale convoquée contre un impôt exceptionnel de 75% sur les très hauts revenus. Le président français François Hollande a d’ores et déjà exclu un aménagement, soulignant que « la règle est la même pour tous ».

La décision des présidents des clubs français de football, adoptée à l'unanimité le jeudi 24 octobre 2013, traduit une colère bien réelle. Jean-Pierre Louvel, président de l'Union des clubs professionnels (UCPF), parle même d'un « mouvement historique ». Une exaspération qui s'explique avant tout par le fait que cette « taxe à 75% », qui frappe fortement les clubs professionnels en les ponctionnant de près de 88 millions d’euros sur deux ans, intervient à un moment difficile pour un football français en plein marasme économique.

Il y a trois ans, les clubs avaient déjà été privés du droit à l'image collective (DIC), un mécanisme qui leur permettait d'économiser des charges sur les salaires. Ils estiment y avoir perdu une soixantaine de millions d'euros et disent n'avoir jamais obtenu les compensations promises. D'autre part, les nouveaux contrats de diffusion à la télévision   leur rapportent 40 millions d’euros de moins chaque année. Du coup, le football professionnel se retrouve avec un déficit d'une centaine de millions d'euros par an et la nouvelle taxe risque de faire très mal à certains clubs, assurent ces derniers.

Un mouvement impopulaire


Justifiée ou pas, la grève du football, si elle devait avoir lieu, serait très impopulaire. Les premiers sondages montrent qu'une très large majorité de l'opinion publique ne comprendrait pas que le football bénéficie d'un traitement de faveur par rapport à d'autres secteurs de l'économie également concernés par cet impôt. C'est pourquoi les dirigeants ont décidé de se donner du temps en écartant le projet initial, qui consistait à faire grève dès le week-end prochain, afin de mieux exposer leurs arguments. Ils affirment également avoir choisi ce délai afin d'éviter que ce mouvement interfère d'une manière ou d'une autre avec le grand rendez-vous de l'équipe de France face à l'Ukraine, des barrages de qualification pour la Coupe du monde 2014 prévus les 15 et 19 novembre. La date choisie pourrait donc coïncider avec le vote définitive à l'Assemblée Nationale de la loi créant l'impôt si décrié.

Les patrons du football français, soutenus par d'autres secteurs comme le syndicat des joueurs, se disent aussi victimes de l'évolution du projet de loi. Au départ, François Hollande, le président français, avait promis de taxer directement les contribuables touchant plus d'un million d'euros par an avec une taxe exceptionnelle, pendant deux ans, de 75% sur la partie de leurs revenus allant au-delà du million d'euros. Ce projet ayant été censuré par le Conseil constitutionnel, ce sont désormais les entreprises, donc en l’occurrence les clubs, qui doivent finalement payer cet impôt.

Selon la Ligue de football professionnel (LFP), une quinzaine de clubs seraient concernés, dont le Paris Saint Germain, qui payera à lui seul 20 millions d’euros par an, mais aussi des clubs moins riches, comme Lyon, Marseille ou Bordeaux.

Le gouvernement fera-t-il un geste pour éviter la grève?


Le président François Hollande, qui a toujours été un supporter de football et qui connaît bien ce secteur, s'est engagé à recevoir une délégation de dirigeants du football français le jeudi 31 octobre. Mais il a déjà donné le ton des débats, ce 25 octobre. « La loi fiscale n'est pas encore votée mais lorsqu'elle le sera, elle doit être la même pour toutes les entreprises », a déclaré le chef de l'État lors de sa conférence de presse de clôture d'un sommet européen. « Cela n'exclut pas un dialogue sur un certain nombre de difficultés que peuvent rencontrer des clubs professionnels », a-t-il toutefois ajouté.

Les clubs espèrent des gestes significatifs. Par exemple, que seuls les contrats signés récemment soient concernés et non pas les anciens contrats. Autrement dit, qu'il n'y ait pas de rétroactivité. Ou alors que les clubs déficitaires puissent en être exonérés.

Pour soutenir leurs arguments, ils rappellent que, au-delà des stars, le football professionnel fait vivre 25.000 salariés en France. Que les clubs français payent déjà beaucoup plus d'impôts que ceux des pays voisins. Sans oublier le cas de l’AS Monaco, l'un des clubs les plus riches de la Ligue 1 mais qui, du fait de sa situation géographique, ne sera pas taxé. Et, enfin, que les joueurs, contrairement à d'autres sportifs comme les pilotes de Formule 1 ou les joueurs de tennis, n'ont pas la possibilité d'échapper aux impôts en s'installant dans un paradis fiscal.

Des arguments qui pourraient être entendus par François Hollande, dont la marge du manœuvre, comme celle du gouvernement, semble cependant étroite dans un contexte économique très difficile. Une chose est sûre : trois ans après la grève des joueurs de l’équipe de France à Knysna lors du Mondial 2010, l'image du football français reste mauvaise. Et ce n'est pas une grève des clubs professionnels qui risque de l'améliorer.

 

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