En Tunisie, où les sports collectifs sont rois, le rugby peine à émerger malgré les bons résultats des équipes nationales sur la scène africaine. « Le rugby est sous-médiatisé à mort, lance le président de la Fédération tunisienne (FTR), le Dr Mohamed Riadh Chelli. Les résultats, on doit les transmettre aux journalistes et parfois même payer les journalistes pour qu’ils donnent ces résultats ».
La presse tunisienne n’a quasiment pas évoqué la finale perdue 45-13 par le XV national face à la Namibie le 15 juin dernier à Dakar, en Coupe d’Afrique des nations 1B, le deuxième échelon africain. C’est pourtant une belle performance pour une équipe bâtie avec plusieurs joueurs de rugby à 7, souligne le Dr Mohamed Riadh Chelli : « On a tenu une période. A la pause, on était à 6-6. Mais la Namibie, avec sa culture du rugby à XV […] nous a submergé en deuxième période. Les Namibiens revenaient d’un périple d’un mois en Afrique du Sud. […] Cette année, c’était leur année et on n’aurait pas pu les battre. »
Le dirigeant voit en fait plus loin : « On était parti pour se maintenir à l’échelon B. On prépare l’année prochaine. Tout dépendra des équipes qui arrivent dans notre poule, après la rétrogradation de la poule A et la promotion de la poule C. Mais en principe l’année prochaine, c’est notre année. »
Peu de moyens
Voir plus loin… C’est un luxe pour une Fédération qui compte seulement 5700 licenciés pour 10 millions d’habitants et un budget d’un million de dinars avec les dotations de la Fédération internationale (465 000 euros/305 millions de francs CFA). « C’est très peu. Pour fonctionner correctement, il nous faudrait trois fois plus », affirme le président de la FTR.
De plus, la révolution de Jasmin en Tunisie n’a rien arrangé pour le rugby. « Depuis des années, les municipalités ne donnent plus d’allocations aux clubs, parce qu’en ce moment tout est revu à la baisse. […] Même à la Fédération, nous avons eu des coupes claires avec les subventions du ministère de la Jeunesse et des Sports. »
Le rugby tunisien se débat avec huit clubs qui ont des sections à 7 et à XV pour les différentes classes d’âge, sauf pour les femmes où on joue uniquement à 7. Les deux meilleures équipes masculines sont le Stade nabeulien et l’AS Jammel. Mais, même ces deux fers de lance ont des moyens limités. « Quand le rugby est le sport pratiqué quasi-exclusivement dans une ville, ça marche, souligne le Dr Chelli. Mais dès qu’on est confronté au football, ça ne marche plus. Le football bouffe tout en Tunisie ».
Difficile en outre de coexister avec les stars du foot quand le meilleur rugbyman tunisien s’appelle Sabri Gmir, qu’il est ailier à Béziers en deuxième division française et que les autres joueurs évoluent dans des divisions inférieures.
Tout miser sur le rugby à 7
Pour ne pas rester à quai, la Fédération tunisienne a donc changé son fusil d’épaule : « Ces deux dernières années, nous avons tout misé sur le rugby à 7, masculin et féminin. Nous levons un tout petit peu le pied au niveau du XV. » Ce choix a été mis en pratique dès 2003, bien avant que le rugby à 7, discipline nettement moins connue que le XV, ne devienne un sport olympique, en 2009. Cette décision porte aujourd’hui ses fruits.
Tunisiens et Tunisiennes participeront à la Coupe du monde 2013 organisée en Russie du 28 au 30 juin 2013. Finalistes du tournoi continental 2012 à Rabat, les Tunisiens se sont qualifiés pour le Mondial 2013 en Russie. Les Tunisiennes, elles, ont remporté l’unique billet africain pour le tournoi, l’autre étant réservé à l’Afrique du Sud.
Les « Aigles de Carthage » débuteront la compétition par un match face à l’équipe de France le 28 juin tandis que les femmes défieront d’emblée les redoutables néo-zélandaises. « Si nous laissons quatre ou cinq équipes derrière nous chez les filles et chez les garçons, nous considérerons ça comme un résultat très honorable », souligne Mohamed Riadh Chelli.
Le véritable objectif du rugby tunisien reste en effet une qualification pour les Jeux olympiques de 2016. « Nous misons tout sur les filles, prévient-on à la FTR. Nous avons beaucoup d’espoir de qualifier les filles pour 2016. Pour les garçons, ce sera beaucoup plus difficile parce que les places à Rio sont chères ». Une qualification serait une excellente publicité pour le rugby tunisien.