Pfuit, envolés ! Sur les 60 sportifs et fonctionnaires de la délégation camerounaise aux JO de Londres, 28 sont rentrés dans leur pays et 25 sont toujours au village olympique. Mais sept manquent à l’appel. Se sont-ils perdus dans les couloirs des complexes sportifs ? Ont-ils profité de leur séjour dans la capitale britannique pour s’offrir une séance de shopping sur Oxford Street ? Mardi 7 août, le chef de la mission camerounaise David Ojong a en tout cas jugé bon de prévenir le ministère des Sports à Yaoundé. « Ce qui a débuté comme une rumeur s’est avéré vrai. Sept athlètes camerounais qui ont participé aux Jeux olympiques de Londres ont disparu du village olympique », a-t-il écrit.
La gardienne réserviste de l’équipe nationale de football, Drusille Ngako, aurait été la première à prendre la poudre d’escampette le 2 juillet, à l’issue de la préparation pré-olympique en Ecosse. C’est du moins ce qu’assure un responsable de la Fédération camerounaise de football. Cinq boxeurs et un nageur lui ont emboîté le pas. Le quotidien britannique The Guardian rapporte que quatre d’entre eux ont été vus pour la dernière fois lors d’une réception dans un hôtel de Kensington, un quartier chic de la capitale.
Une longue liste de précédents
Ces sept membres de la délégation camerounaise ne sont toutefois pas les seuls athlètes à avoir déserté les JO. En juin, l’Ethiopien Natnael Yemane, porteur de la flamme olympique, s'est évanoui dans la nature, avant d'être retrouvé par la police à Nottingham, dans le centre de l’Angleterre. Fin juillet, un athlète dont l'identité n'a pas été révélée par les autorités, mais qui s'est dit victime de persécution dans son pays, a quitté son équipe pour se rendre dans un poste de police de Leeds (nord de l'Angleterre) où il a réclamé l'asile politique. Puis ce sont trois athlètes soudanais qui ont à leur tour fugué. Ils ont également soumis une demande d’asile politique au Royaume-Uni.
Au ministère camerounais des Sports, on refuse de s’exprimer sur l’affaire, et aucune explication n’est donnée pour justifier la disparition des sportifs. Mais pour Flaubert Mbiekop, un économiste camerounais interrogé par le Guardian, la raison est claire : les motivations de ces défections sont d’ordre économique. « Regardez les conditions économiques au Cameroun et voyez comment le système est difficile pour la plupart des gens, particulièrement pour les athlètes qui ne reçoivent aucune aide de la part du gouvernement. Londres représente une chance ; je ne suis pas du tout surpris qu’ils l’aient saisie », explique-t-il au quotidien.
Ces disparitions d’athlètes à l’occasion de compétitions internationales sont une longue tradition qui remonte aux années 1950, lorsque le monde était plongé en pleine guerre froide. Aux Jeux olympiques de Melbourne en 1956, 45 sportifs hongrois avaient ainsi demandé l’asile à l'Australie. Depuis, ainsi que le montre le quotidien français Le Figaro, les défections sont régulières. En 1996, presque toute l’équipe féminine de basket de l’ex-Zaïre a profité de sa participation aux JO d’Atlanta pour rester aux Etats-Unis. En 2001, 106 athlètes ont réclamé l’asile politique au Canada après les IVe Jeux de la francophonie. L’année suivante, à la fin des Jeux du Commonwealth organisés à Manchester, la délégation de la Sierra Leone est repartie avec seulement dix de ses trente représentants. Les sportifs cubains ont même fait de ces défections leur spécialité, comme le rappelle le journaliste de RMC Gibert Brisbois sur son blog.
Un avenir incertain
Souvent perçu comme un eldorado européen, le Royaume-Uni a pris des mesures drastiques pour éviter l’afflux d’immigrés illégaux pendant ces JO. Les 20 000 personnes non issues de l’Union européenne ayant reçu un visa de six mois pour participer ou assister aux Jeux sont interdits de se marier, d’entamer des études ou de prendre un emploi pendant leur séjour.
Après leur défection, que peuvent espérer les athlètes camerounais ? D’après Hamad Kalkaba Malboum, président du Comité olympique camerounais, interrogé par RFI, la tendance aujourd’hui est que de grandes nations donnent facilement la nationalité à des talents sportifs. C’est le cas notamment de la Sierra-Léonaise Eunice Barber, championne du monde d’athlétisme, qui a obtenu en 1999 la nationalité française, pays où elle vit et s’entraîne. Ou de Françoise Mbango, athlète camerounaise spécialisée en triple-saut et naturalisée française en 2010. Ou encore du basketteur congolais Serge Ibaka, qui est devenu Espagnol en 2011. Sauf que les sept « déserteurs » camerounais sont loin d’être de grands talents sportifs. Les cinq boxeurs ont été éliminés dès le premier tour ; le nageur Paul Ekane Edingue est un quasi-inconnu ; et la footballeuse Drusille Ngako n’avait même pas été retenue dans la liste des 18 Lionnes indomptables.
Le Cameroun a demandé ce mercredi au Locog, le Comité d’organisation des Jeux olympiques, de l’aider à retrouver les sept athlètes. Une demande difficile à satisfaire pour le moment. Possesseurs d’un visa valable jusqu’en novembre, ils ne sont pas en situation irrégulière. Au-delà, leur cas sera soumis à Scotland Yard.
En attendant, à Yaoundé, la population se dit plutôt compréhensive face à ces défections.