Dix mois après le retentissant échec de l’équipe de France à la Coupe du monde, souligné par les révélations du journal L’Equipe sur la mauvaise ambiance régnant au sein du vestiaire des Bleus, c’est donc un nouvel article choc sur les coulisses du football hexagonal qui vient raviver la flamme consumant ce dernier. Accusée par le site internet Mediapart, dans un article paru ce jeudi 28 avril 2011, de vouloir instaurer des « quotas discriminatoires officieux » visant à « limiter le nombre de joueurs français de type africains et nord-africains » dans les écoles de football du pays, la Fédération française de football s’est mise en branle pour assurer sa défense. Après la conférence de presse organisée à Bordeaux par le sélectionneur Laurent Blanc, c’était au tour du président de la FFF Fernand Duchaussoy et du Directeur technique national François Blaquart de s’expliquer devant la presse.
Sélectionner des profils différents
Au siège de la fédération, à Paris, les deux hommes ont donc démenti en cœur toutes les accusations de Mediapart. « Je peux répondre de façon très clair : il n’y a jamais eu d’instructions, de directives et ça me choque d’entendre certains mots, a martelé M. Duchaussoy. […] Donner de telles instructions ne nous viendrait même pas à l’esprit et ce n’est pas du tout dans notre philosophie ni dans notre culture. Mais si des gens parlent dans les couloirs, sur ce sujet là ou sur d’autres, je ne suis pas garant de toutes les personnes qui travaillent dans la fédération. »
Si les dirigeants du football français ont rappelé qu’ils n’avaient pas d’influence directe sur les écoles de football et les centres de formation, ils ont tout de même admis que les critères de choix des joueurs avaient évolué récemment. « Certains joueurs en retard de maturation avaient tendance à être oubliés du système, ça s’arrête là. Cela n’a rien à voir avec des critères ethniques, assure François Blaquart. On sait qu’avant 16 ou 17 ans, on ne sait rien d’un joueur. Or le processus de sélection commence à partir de douze ans. » Traduction : alors qu’auparavant, les joueurs étaient choisis sur leurs qualités physiques, les instances du football veulent maintenant s’appuyer sur des profils plus techniques, prenant ainsi exemple sur l’Espagne, championne du monde en titre.
« Près de 45% des jeunes joueurs ont une double nationalité »
Mais MM. Duchaussoy et Blaquart ont surtout axé leur communication autour de la question des joueurs à double nationalité formés en France et qui rejoignent la sélection de leur pays d’origine une fois arrivés à maturité. « Aujourd’hui, près de 45% des joueurs en sélections de jeunes bénéficient d’une double nationalité, explique François Blaquart. Sur les cinq dernières promotions, environ 20% des joueurs ayant porté le maillot de l’équipe de France chez les jeunes ont fait le choix de rejoindre une autre sélection nationale. Vous imaginez les problématiques que ça peut poser. Il est très difficile pour les responsables de sélections de travailler à moyen terme sur des projets de jeu. »
Le Directeur technique national souhaite donc remédier à ce problème mais, là encore, il nie toute discrimination : « Les seules mesures que l’on souhaite prendre sont des mesures d’accompagnement et pas des mesures restrictives. D’abord, il s’agit de bien évaluer la motivation du joueur à porter le maillot bleu, si possible à long terme. Ensuite, je pense que ces joueurs sont soumis à des pressions importantes. On a le devoir de les accompagner pour leur apprendre à relativiser la situation et les maintenir dans une motivation forte en ce qui concerne la sélection nationale. »
Une enquête avec la participation du ministère des Sports
Sans refuser les joueurs à double nationalité, il s’agirait donc de les convaincre de jouer pour la France en contrant les manœuvres des fédérations qui souhaiteraient les « débaucher ». « On peut comprendre leur démarche puisqu’ils cherchent à bénéficier de la qualité de joueurs formés pour avoir des équipes compétitives, admet François Blaquart. Il faut respecter le choix du joueur. Notre rôle n’est pas d’orienter le choix du joueur mais de l’accompagner dans sa réflexion. »
S’ils nient donc toute volonté d’écarter « les noirs et les arabes » (pour reprendre le titre de Mediapart) de la formation française, les dirigeants de la FFF vont pourtant lancer une enquête, avec la participation du ministère des Sports, afin de faire toute la lumière sur cette affaire. « Ça peut aller très vite et je souhaite que ça aille le plus vite possible, affirme le président Fernand Duchaussoy. […] S’il y a des fautes graves, je pense qu’il y aura des sanctions. Si l’enquête n’aboutit à rien, on prendra les mesures nécessaires au niveau juridique par rapport à ceux qui nous ont accusés. » Pour la Fédération française de football, la meilleure défense serait donc la contre-attaque.