Dans leurs cabinets ou dans des hôpitaux saturés par l'arrivée incessante de patients, les équipes médicales font face. Prendre soin des autres, c'est un choix qu'ils ont fait. Et pourtant, dans cette crise, ils sont confrontés à plusieurs difficultés. Ils ont peur d’être infectés ou de contaminer leurs proches, ils sont épuisés face aux responsabilités, en colère face aux manques de moyens, ils ont du mal à dormir et appréhendent la journée du lendemain, entrevoyant la possibilité de se retrouver à la place du malade ou de devoir choisir de ventiler tel ou tel patient en fonction de ses chances de survie.
Les personnels soignants face au psychotraumatisme
Afin de venir en aide à ceux qui sont en première ligne de la pandémie de coronavirus, des cellules de soutien psychologique se mettent en place. A Lille, Frédérique Warembourg, psychiatre référente à la CUMP 59 (Cellule d'urgence médico-psychologique présente dans chaque département et rattachée au SAMU), nous explique qu’une ligne est désormais réservée au personnel médical des Hauts de France ( tel 03 62 94 33 15) et que des maraudes sont mises en place dans les différents services du CHU de Lille afin de faciliter les échanges.
Les infirmières, aides-soignantes, cadres de santé sont souvent trop occupés pour penser à demander de l’aide. Et dans les mentalités, dire qu’on n’arrive plus à faire face à ses angoisses quand on fait partie du corps médical n'est toujours pas évident, même si l'on est abattu ou bouleversé.
Toutefois, depuis la vague d’attentats en France en 2015, la nécessité d’apporter un suivi aux personnels de santé confrontés à une situation de crise est devenue une priorité. Le Centre national de ressources et de résilience (CN2R, créé en 2018), diffuse à l’échelle nationale des documents à l’usage des professionnels et des recommandations à usage du personnel de santé, notamment.
Une hotline à l'AP-HP
A l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, le professeur Michel Lejoyeux, responsable du département de psychiatrie et d'addictologie Bichat-Beaujon nous le concède, il va falloir cette fois-ci tenir sur la longueur. Pour cela, un service d'assistance téléphonique, 7j/ 7, 24h /24 est mis en place ( 01 40 25 67 11, 01 40 25 67 13 ou 01 40 25 67 19) afin d'orienter les personnels qui auraient besoin d'aide vers des psychiatres libéraux gratuits.
Par ailleurs, chaque hôpital s'organise pour apporter ce soutien via l’encadrement des équipes et grâce aux psychologues et aux services de psychiatrie dans les services les plus touchés par l'épidémie, services d'urgence, réanimation ou maladies infectieuses, par exemple, en raison de leur proximité avec les malade.
Soutenir les soignants
L’association SPS, Soins aux professionnels de Santé, renforce son dispositif d'aide et d'écoute gratuites en s’appuyant sur la plateforme Pros-consulte. Un numéro vert a été mis en place ( Tel 0 805 23 23 36) ainsi qu’une application smartphone pour entrer en contact avec des psychologues formés à la psycho-traumatologie.
D’ores et déjà, les premiers appels (200 par jour) témoignent de la colère des soignants face à la pénurie de masques, l'absence de test et l'épuisement lié au rythme de travail. Jean-Pierre Camard, président de Pros-Consulte, pointe de nombreux témoignages de personnels persuadés d'être contaminés, qui continuent de travailler et qui n'arrivent pas à parler de leur situation.
La mort de quatre médecins de l'est de la France portant à cinq le nombre de victimes dans la profession, des suites du coronavirus, ne va pas apaiser les peurs des personnels, dévoués, célébrés certes, mais plus que jamais vulnérables.