Le déni de grossesse

Claire : Dr Solano, vous allez nous parler aujourd’hui du déni de grossesse. Qu’est-ce que ce déni exactement ?

Dr Catherine Solano : Le déni de grossesse concerne au moins une grossesse sur 500, et  a toujours existé depuis la nuit des temps. C’est la situation d’une femme enceinte qui pourtant est certaine de ne pas être enceinte. Pour elle, une grossesse est impossible, donc elle n’est pas enceinte.

Claire Hédon  : Pourtant, quand on est enceinte, on peut ne pas le savoir au début, mais au bout de quelques mois, une femme perçoit des changements dans son corps, ses seins gonflent, son ventre grossit…

Dr Catherine Solano : Justement, c’est cela qui est très étonnant. Ces femmes dans le déni de grossesse ne sentent absolument rien dans leur corps. Le plus souvent, leur ventre ne grossit pas, même si la grossesse est très avancée. A près de 9 mois, elles peuvent être encore minces. Et s’il existe des signaux dans leur corps, elles ne les perçoivent pas tellement elles sont persuadées de ne pas pouvoir être enceintes. On dit parfois que ces femmes vivent une grossesse physique, mais qu’elles ne vivent pas de grossesse psychique.

Claire Hédon : Et l'entourage, le mari, la famille, les amis, même si la femme ne le sait pas, eux, doivent bien finir par s'en apercevoir ?

Dr Catherine Solano : Et bien, certains psy pensent que le déni de grossesse peut être familial. Quand dans une famille, on pense tous, que cette femme ne peut pas être enceinte, pour tout le monde, il n’y a rien à voir et cela participe au déni de grossesse. Dans d’autres familles, au contraire, quand la grossesse s’avance, on a un doute, on pose des questions à la femme, mais elle est tellement certaine de ne pas être enceinte qu’elle ne les entend pas.

Claire Hédon  : Cela doit surtout concerner les femmes très jeunes non ?

Dr Catherine Solano : Cela concerne parfois des femmes très jeunes, mais pas forcément. Et cela peut même concerner des femmes qui ont déjà eu des enfants, ce qui paraît encore plus incroyable, puisqu’elles ont déjà ressenti ce que cela faisait d’être enceinte.  Mais à un moment de leur vie, pour cette femme, la grossesse n’était pas possible.

Claire Hédon  : Mais à un moment, elles doivent réaliser qu’elles sont enceintes. Quand cela se produit-il ?

Dr Catherine Solano  : Cela se produit généralement lors d’une consultation médicale. La femme a mal au ventre par exemple, ou se dit qu’elle a pris un peu de poids et elle va consulter son médecin. Et là, le médecin lui annonce qu’elle est enceinte ou alors, elle le sait au moment de l’échographie. C’est un choc terrible pour elle. Elle est complètement perturbée. Et ce qui se produit souvent, c’est que son ventre grossit en quelques instants. Et elle réalise qu’elle est bien enceinte, qu’elle a un enfant dans le ventre. Cela peut se produire très tard, parfois au moment des contractions de l’accouchement. J’ai déjà vu une jeune femme arriver à la maternité et accoucher dans la matinée suite à une visite chez son médecin généraliste

Claire Hédon : Cette femme a donc besoin de beaucoup de soutien de son entourage…

Dr Catherine Solano : Oui, ce qui est important, c’est de l’accompagner, d’être là. De l’aider à créer le lien avec son enfant. De l’aider à se soigner aussi psychiquement car vivre un déni de grossesse, c’est signe que quelque chose n’a pas bien fonctionné psychiquement. Cela peut être par exemple que la femme s’est coupée de ses sensations physiques pour se protéger d’un souvenir de traumatisme sexuel, comme une agression sexuelle de l’enfance.

Claire Hédon  : Ce qui n’a pas fonctionné, c’est que cette femme pense qu’elle ne peut pas être enceinte, même si elle a eu des relations sexuelles et pas de contraception par exemple.

Dr Catherine Solano : Oui, et je peux vous dire qu’il existe aussi ce que j’appelle un déni de fertilité chez les toutes jeunes femmes. C’est une jeune fille qui vous demande : « j’ai régulièrement des rapports sexuels avec mon copain, mais il n’y a pas de risque n’est-ce pas ? » Elle est toute jeune et n’a pas intégré l’idée que son corps est capable de mettre en route une grossesse. Elle se sent encore une enfant et pour elle, c’est impossible. D’ailleurs on voit aussi l’inverse : des jeunes filles qui ont tellement peur d’être enceintes que cela devient une obsession. Elles utilisent une contraception, avec des préservatifs et la pilule par exemple et en plus, leur copain se retire.

Claire Hédon : C’est ce qui peut conduire à ce que l’on appelait les grossesses nerveuses ?

Dr Catherine Solano : Oui, c’était beaucoup plus fréquent autrefois. Maintenant quand une femme pense qu’elle est enceinte, on fait une échographie, cela bloque tout de suite une grossesse nerveuse. Cela existe encore dans les régions où l’on ne dispose pas d’échographie. Et la femme a un ventre qui grossit et qu’elle n’a plus de règles. Elles reviennent dès que la femme sait qu’elle n’est pas enceinte et son ventre s’aplatit aussi.
 

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