Tara Méditerranée: sept mois en mer pour une pêche miraculeuse

Après sept mois d’expédition, Tara est revenue le 22 novembre de son voyage autour de la Méditerranée, à Lorient, son port d’attache. La goélette scientifique, qui était partie à la recherche du plastique dissous en mer, a fait, si l’on peut dire, une pêche miraculeuse : pas un kilomètre carré de la Méditerranée n’en n’est exempt. La balle est maintenant dans le camp des chercheurs qui vont étudier les échantillons rapportés par le bateau.

Partie de Lorient en mai dernier, la goélette a suivi les côtes méditerranéennes en passant par l’Espagne, la France, Monaco, l’Italie, l’Albanie, la Grèce, Chypre, le Liban, Malte, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc et le Portugal. Cette expédition, outre les prélèvements d’eau de mer destinés à quantifier et qualifier le plastique en suspension, avait la particularité de consacrer environ la moitié de son temps à la communication. Les 15 000 km de route maritime ont donc été ponctués de 20 escales d’une durée d’une semaine, pendant lesquelles 12 000 personnes, dont 3 000 enfants, sont montés à bord.

Du plastique partout

La stratégie d’échantillonnage mise en place par les scientifiques à bord de Tara consistait à prélever de l’eau de mer de surface – le plastique a tendance à flotter – au large mais également près des côtes. Pendant le voyage, les filets ont été traînés 350 fois, une heure durant derrière le voilier. Au total, 2 300 échantillons ont été prélevés pour être finalement envoyés aux 14 laboratoires partenaires, dès l’arrivée à Lorient.

Pour Maria-Luiza Pedrotti, du laboratoire océanographique de Villefranche-sur-Mer et co-directrice scientifique de l’expédition, le premier constat très alarmant est qu’aucune zone de la Méditerranée n’est épargnée par cette pollution, pas une fois, les « taranautes » n’ont remonté un filet exempt de plastique. Et si la concentration est maximale en face des grandes villes, les courants se chargent de distribuer la pollution sur l’ensemble du bassin méditerranéen.

Des polluants dans nos assiettes

Les plastiques absorbent les polluants organiques persistants – des produits chimiques toxiques provenant notamment des pesticides ou de l’incinération des ordures. Les animaux qui filtrent l’eau pour se nourrir, comme les baleines et les poissons, absorbent simultanément les micros-plastiques et le plancton. Ces plastiques entrent alors dans la chaîne alimentaire et peuvent ainsi voyager jusqu’à nos assiettes. Mais ces micro-morceaux forment aussi de parfaits radeaux sur lesquels des microbes pathogènes, comme le bacille du choléra par exemple, peuvent traverser la mer.

Après la mer, le laboratoire

Les échantillons prélevés sur Tara vont partir en décembre au laboratoire océanographique de Villefranche-sur-Mer, puis vers les autres laboratoires partenaires. Les chercheurs tenteront de caractériser précisément les sources de pollution – rivières ou mer -, ils analyseront les organismes associés comme les bactéries qui dégradent le plastique ou les micros-algues qui s’y fixent, ainsi que les polluants, notamment les phtalates et bisphénols, des produits chimiques toxiques ajoutés à la fabrication des plastiques pour empêcher leur combustion. Les premiers résultats scientifiques devraient être publiés à partir de mars 2014.

Une pollution grave mais réversible

Malgré la quantité de plastique prélevée dans le bassin méditerranéen, Maria-Luiza Pedrotti insiste sur sa réversibilité. Mais pour arriver à juguler l’afflux de plastique en mer, il faut agir en amont. Cette action est à la fois du ressort des politiques et du citoyen : il s’agit d’un problème global qui ne peut changer de façon durable qu’avec la modification de nos modes de consommation.

Du côté politique, la loi va interdire en France l’utilisation de sacs plastique à usage unique à partir de 2016. C’est un premier pas, mais l’avenir est incertain. Samedi 22 novembre, la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal, avant de monter sur Tara pour saluer son engagement pour l’environnement, recevait un trophée de la part de Blue Fish, le lobby le plus virulent de la pêche industrielle en France et en Europe (selon l'association Bloom). Un double discours déconcertant.

Pour en savoir plus:

- Association Bloom
- Tara, premiers constats
-Laboratoire océanographique de Villefranche-sur-Mer

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