C’est l’histoire d’une bouée utilisée pour la recherche océanographique, qui parcourt la mer Méditerranée en travaillant sous l’eau. Mise à l’eau le 11 février dernier, elle s’est échouée le 16 juillet en mer Ionienne, sur la côte du Péloponnèse.
Pour qu’elle ne s’abime pas sur les rochers, le laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-mer a dépêché deux personnes qui l’ont récupérée et confiée à un scientifique grec, Athanassos Argyriou, professeur de physique de l’atmosphère à l’Université de Patras, en Grèce, lui-même ayant pour mission de la remettre à Tara lors de son passage dans les eaux grecques.
Argo, un programme ambitieux
Cette bouée est en fait un flotteur Argo, un instrument sous-marin autonome développé par des laboratoires français, qui mesure la température et la salinité au cœur des océans. Il fait partie d’un réseau de 3 600 flotteurs déployés dans le monde entier pour mesurer l’impact du changement climatique sur les océans.
Le programme Argo, intégré au projet français NAOS, réunit plusieurs laboratoires, il est complémentaire d’un programme d’observation des océans par satellites appelé Jason.
Ces deux programmes ont été ainsi nommés en référence à Jason, personnage de la mythologie grecque, qui affréta le navire Argo à la recherche de la toison d’or. Et la toison d’or, ici, ce sont les données océanographiques.
Un instrument scientifique livré à lui-même
L’instrument, un tube d’environ 1 m 20 de haut et de 20 cm de diamètre, contient de l’électronique destinée à faire les mesures, puis à les transmettre. Le flotteur est programmé à l’avance, il rejoint la profondeur qui lui est assignée, environ 2 000 mètres, puis dérive au gré des courants. Il relève des données et remonte tous les dix jours à la surface pour les transmettre par satellite, jusqu’à épuisement de ses batteries, ce qui peut durer plusieurs années. Ces données sont ensuite mises à disposition automatiquement sur le site du programme Argo, afin d’être disponibles pour tous les laboratoires qui travaillent sur le sujet.
De nombreux services rendus
Dans le golfe d’Alaska, les relevés d’Argo sont utilisés pour étudier les conditions environnementales qui modifient les stocks de poissons. A court terme, Argo étudie l’évolution de la température et de la salinité de l’eau en surface pendant le passage de cyclones tropicaux. Mais le projet Argo travaille aussi sur le long terme, en relevant les paramètres qui peuvent témoigner de la variabilité du climat sur des durées de dix ans, comme la modification des courants.
Tous ces résultats sont utiles aux chercheurs sur le climat, qui les intègrent dans leurs modèles de prédiction, améliorant ainsi la compréhension des liens entre les deux grands systèmes formés par l’atmosphère et l’océan. Argo est en train de construire une nouvelle base de données qui devrait s’avérer très utile d’ici les décennies à venir, car elle contiendra les références et points de comparaison qui permettront d’évaluer le changement physique du climat en fonction du réchauffement de l’atmosphère.
En attendant, la bouée est à bord de Tara, bien en sécurité au fond d’un zodiac, patientant que le bateau quitte les eaux grecques pour être enfin replongée en mer, au sud de la Turquie, et reprendre alors son travail de fourmi du fond des mers.
En savoir plus :
-le projet Argo :
ohttp://www.naos-equipex.fr/Argo
ohttp://www.argo.ucsd.edu/
-La carte des bouées Argo : http://www.oao.obs-vlfr.fr/web/index.php/data/data-visualization-access
-L’observatoire océanographique de Villefranche-sur-mer : www.obs-vlfr.fr