Les aires marines protégées (AMP) sont des zones délimitées en mer pour préserver et sauvegarder les habitats de la faune marine, nécessaires à la reproduction des poissons et à la croissance des juvéniles. Bien que n’en démordent les pêcheurs professionnels qui soutiennent le contraire, l’étude australienne, publiée dans le journal spécialisé Current Biology, est la première à prouver que ces réserves marines permettent bien une reconstitution progressive des stocks de poissons au-delà de leur périmètre, dans les zones de pêche riveraines : « L'étude apporte des preuves formelles que les populations de poissons dans les aires ouvertes à la pêche peuvent être reconstituées grâce aux populations des réserves marines », a assuré Hugo Harrison, chef de l'équipe du Centre d'excellence pour les études sur le récif corallien de l'ARC australien (*).
Pour parvenir à ces conclusions, les scientifiques ont analysé et suivi l'ADN des espèces étudiées : ils ont cartographié la propagation des petites "truites de corail" (Plectropomus leopardus, de la famille des bars et mérous) et des "perches à raies bleues" (Lutjanus kasmira) depuis la zone de reproduction, sur la barrière de l'île Keppel, dans le Queensland. Là, la pêche y est interdite : « Nous avons découvert que les réserves marines, qui couvrent environ 28% des 700 hectares de la zone récifale des Keppel, avaient généré la moitié des jeunes poissons, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur » de leurs limites géographiques, a indiqué Hugo Harrison. Cette théorie est parfois contestée par l'industrie de la pêche, selon le chercheur Garry Russ, co-auteur des travaux.
En Afrique, une autre étude réalisée sur la même problématique par les chercheurs de L’Institut de recherche pour le développement (*) nuance : « A l’intérieur de la zone protégée, l’interdiction d’exploitation se traduit par une faible augmentation de la biomasse totale en poissons, avec toutefois une amélioration de la diversité du peuplement ».
Plus d'espèces et plus d'espèces de grandes tailles ...
Quatre réserves de taille et d’ancienneté variables ont plus particulièrement été étudiées, dont deux en Afrique de l’Ouest : l’une au Sénégal, l’autre en Mauritanie. « Plus la réserve est étendue, plus les effets sont positifs, soutiennent les scientifiques. Toutefois, la mise en place de vastes surfaces protégées peut être problématique, surtout dans des zones fortement anthropisées, et demande une gestion participative » de la population locale.
Toutefois s’il n’y a pas nécessairement plus de poissons à pêcher, la diversité des espèces recensées serait incontestablement plus grande : « La mise en place de mesures d’interdiction ou de limitation de la pêche n’induit pas de hausse significative des biomasses, c’est-à-dire de la quantité de poissons dans la réserve. Par contre, la diminution de la pression halieutique se traduit par une augmentation du nombre d'espèces présentes -autrement dit de la biodiversité-, avec plus d'espèces de grande taille. »
1. L'ARC australien (*) : l'équivalent du CNRS français
2. Le programme Amphore, coordonné par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et regroupant des laboratoires français et ouest-africains, dresse un bilan biologique et économique nuancé.
La Grande barrière de corail australienne est le plus grand récif coralien au monde. Elle s'étend sur quelque 2.300 kilomètres et est constituée de 3.000 systèmes récifaux et de centaines d'îles tropicales. Elle abrite au moins 1.500 espèces de poissons et une trentaine de baleines, dauphins et marsouins.