De notre correspondant à Brazzaville,
Ce soir le hall de l’Institut français du Congo a un autre décor, le public le dos tourné à l’entrée principale est réparti sur deux rangées. Le couloir est réservé aux sapeurs de Brazzaville et Kinshasa qui sont en compétition, ils partent du podium où se produit l’orchestre Les Bantous de la Capitale, pour exhiber leurs beaux vêtements. Soudain, Derick Boukaka, membre influent des diables rouges de la Sape, la sélection des sapeurs du Congo, se détache pour nous présenter ce qu’il a arboré. « Aujourd’hui je suis en dépareillé, j’ai une paire de chez Lory Torrenk, j’ai un pantalon Gucci, et j’ai une cravate Pierre Cardin, et j’ai un blazer de chez Richo Pipo de Manuela, et sur la tête j’ai un chapeau Kenzo. »
Les sapeurs tiennent le public en haleine pendant des heures, des points leur sont distribués à la fin de la séance. Dans un fond sonore, on peut écouter un tube de Rapha Bounzeki, un artiste musicien Brazzavillois, longtemps confondu à un sapeur, disparu en 2008. Pour Derick Boukaka, la Sape qui a donné lieu à une science nommée « sapologie » a un apport culturel inestimable. « Parce que la Sape au Congo a plus de visibilité que la rumba, que le football, c’est la Sape aussi qui fait dégager l’image, le drapeau tricolore de notre pays. »
Il plaide pour que le Sape soit inscrite sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité. « Si les autorités compétentes du Congo pourront penser à ce mouvement, et je pense qu’on peut aussi vendre l’image de notre pays à travers la Sape, parce qu’il y a des pays en Afrique aussi qui vendent leur image à travers leur culture, à travers leurs richesses, or nous on a eu la chance d’avoir le pétrole, d’avoir l’or, et d’avoir la Sape. »
C’est aussi le combat d’Yves Sambu, artiste photographe de Kinshasa, qui passe son temps à filmer les sapeurs, pour lui la Sape, patrimoine commun des deux capitales les plus proches au monde mérite une reconnaissance. « Maintenant retroussons nos manches, et pourquoi pas commencer maintenant à travailler ensemble. »
Les autorités n’y voient aucun inconvénient, Jean Omer Ntady est conseiller au patrimoine et aux archives au ministère de la Culture. « C’est un engagement, chaque fois nous sommes obligés de travailler comme ça pour faire que les éléments qui font notre force culturelle soient portés au niveau de l’humanité. »
L’inscription de la rumba a été un long processus, ça sera certainement le cas pour la Sape qui est son complément, estiment les sapeurs eux-mêmes.