La télévision iranienne annonçait ce matin que les frappes iraniennes - 15 missiles qui n'ont pas été interceptés - ont tué 80 « terroristes américains ». Selon une source des Gardiens de la Révolution, rapportée par notre correspondant Siavosh Ghazi, 104 cibles avaient été identifiées pour une riposte si les Américains attaquaient l’Iran à leur tour. Cent quatre, c’est deux fois plus que le nombre de cibles avancé par le président américain, qui avait parlé de 52 cibles en Iran.
Les Gardiens de la Révolution indiquent dans un communiqué que si les États-Unis ripostaient à l’attaque iranienne, ils lanceront une attaque encore plus importante contre les intérêts américains dans la région.
De son côté, l'Irak qui avait été informé d'une opération imminente, annonce que 22 missiles se sont abattus sur deux bases sur son sol (Aïn al-Assad et Erbil) sans faire de « victime parmi les forces irakiennes ». « Il n'y a eu aucune victime dans les rangs des forces irakiennes », précise le communiqué du commandement militaire irakien publié sept heures après l'attaque menée par Téhéran.
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Une guerre de communiqués compréhensible, nous explique le chercheur Vincent Eiffling, invité sur notre antenne ce matin. « Il faut bien comprendre que la télévision d’État iranienne et les médias iraniens d’une manière générale, sont habitués à une certaine dose de désinformation. Donc, je dirais qu’il faut prendre leurs déclarations avec retenue. Maintenant, les officiels irakiens, puisqu’il y avait aussi des soldats irakiens présents sur ces bases, ont évoqué le fait qu’il n’y avait pas de victime parmi le personnel irakien présent sur ces bases. Il faudra attendre les déclarations de Washington quant au bilan pour savoir exactement ce qu’il en est. »
Les dignitaires iraniens multiplient les déclarations
L'Iran explique que ces missiles tirés cette nuit -symboliquement à l'heure précise à laquelle le général Qassem Soleimani a été tué par une frappe américaine le 3 janvier- constituent la riposte annoncée. Ces tirs sont « une gifle à la face » des Américains, a déclaré le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a pris la parole devant plusieurs centaines de personnes. Il a appelé à mettre fin à la présence corrompue des Etats-Unis dans la région.
Le président iranien Hassan Rohani est allé dans le même sens. S’adressant aux Américains, il a déclaré lors du conseil des ministres : « Vous avez coupé la main de Qassem Souleimani, il sera mis fin à votre présence dans toute la région ». Il faisait allusion à des images et des photos qui ont circulé avec notamment la main coupée de Qassem Souleimani, portant une bague censée l’identifier.
De son côté, le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, cite la Charte des Nations unies qui mentionne le droit à la légitime défense si un pays est attaqué. « Nous ne cherchons ni l'escalade ni la guerre mais nous nous défendrons contre toute agression », poursuit M. Zarif.
La suite viendra, ou pas, de Washington
C'est désormais à Washington que la suite va se décider. Escalade ou pas... Donald Trump a annoncé qu'il s'exprimerait ce mercredi, après avoir publié un tweet rassurant : « Jusqu'ici, tout va bien ». Donald Trump « savait très bien que les Iraniens allaient répondre, poursuit Vincent Eiffling, chercheur associé au Centre d'étude des crises et des conflits internationaux à l'université catholique de Louvain. Maintenant, je pense qu’ils sont toujours occupés à faire le bilan exact de ces frappes et de voir aussi quelle va être la réponse américaine. »
Une réponse qui devrait être proportionnelle au bilan humain. « Des victimes humaines importantes, cela engendre généralement un impact émotionnel plus important que des dégâts uniquement matériels ou des dégâts humains très limités. Donc je pense qu’il faudra vraiment attendre le bilan humain avec les déclarations venant du côté de Washington pour avoir une idée de ce qui va se passer par la suite », conclut Vincent Eiffling.
Les premières réactions aux frappes iraniennes
En Israël, pays ciblé par les déclarations du chef des Gardiens de la révolution, Benyamin Netanyahu a vigoureusement réagi ce mercredi. « Quiconque essaie de nous attaquer doit s'attendre à la réponse la plus forte », a lancé le chef du gouvernement qui soutient « intégralement » l’initiative américaine d’éliminer la semaine dernière le général Soleimani.
Du côté de Bruxelles, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a qualifié mercredi de « nouvel exemple d'escalade » les frappes iraniennes sur des bases en Irak. « L'usage des armes doit cesser pour laisser place au dialogue », a déclaré de son côté la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Les ministres des Affaires étrangères de l'UE doivent se retrouver demain jeudi sur ce dossier.
La France a condamné mercredi les frappes iraniennes contre des bases abritant des soldats américains en Irak et exhorté à la « désescalade ». La France ne compte pas retirer ses 160 soldats déployés en Irak après les frappes iraniennes de la nuit, a-t-on appris de source gouvernementale à Paris. Aucun militaire français déployé en Irak n'a été touché par les frappes iraniennes déclenchées dans la nuit de mardi à mercredi, a cependant déclaré un porte-parole de l'état-major des armées françaises.
Londres a « condamné » aussi les attaques iraniennes en Irak « imprudentes et dangereuses » contre des bases de la coalition, incluant des forces britanniques. Même fermeté du côté de Berlin. L'Allemagne condamne « le plus fermement l'agression » de l'Iran qui a tiré des missiles sur des bases abritant des soldats américains en Irak, a déclaré la ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer.
La Chine pour sa part se contente d’un simple appel à la retenue. « Il n'est dans l'intérêt d'aucune partie que la situation au Moyen-Orient s'aggrave encore », a déclaré un porte-parole de la diplomatie chinoise, Geng Shuang.