Il s'appelait Jamal Jaafar Ibrahimi, mais était connu sous le nom de guerre Abou Mehdi al-Mouhandis, qui signifie l'ingénieur. Âgé de 66 ans, c'était l'homme de Téhéran à Bagdad et l'ennemi numéro un en Irak pour les États-Unis depuis plusieurs décennies.
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Officiellement, il n'était que le second de la coalition paramilitaire pro-iranienne Hachd al-Chaabi, derrière Faleh al-Fayyadh. Dans les faits cependant, il en était bien le véritable chef et agissait au nom de Soleimani dont il restait l'intime conseiller.
Un anti-américain invétéré
Il y a quelques jours, il s'adressait en ces termes à ses partisans : « Si Dieu le veut, nous arrêterons l'Amérique et tous ses copains irakiens qui se terrent dans leurs bureaux. »
La dernière fois qu'il a été vu en public remonte au mardi 31 décembre. Il défilait alors au milieu du cortège funéraire de 25 combattants pro-Iran tués par l'aviation américaine. Anti-américain notoire de très longue date, « il est le parfait exemple de la manière dont l'Iran a tissé son réseau de lieutenants en Irak », affirme à l'AFP Phillip Smyth, spécialiste des groupes chiites armés. « Il est lié à tous les réseaux principaux de l'Iran en Irak. Il n'a aucun équivalent, il est l'incarnation parfaite. »
Il naît en 1954 à Bassorah, deuxième ville d'Irak et frontalière de l'Iran, d'une mère Iranienne et d'un père Irakien. Jeune ingénieur, il se rapproche du parti d'opposition chiite Dawa. Mais Saddam Hussein interdit tous les partis religieux et al-Mouhandis s'exile au Koweït en 1980. Il se livre alors à des activités anti-Saddam.
Trois ans plus tard, il aurait été impliqué dans des attentats meurtriers contre les ambassades de France et des États-Unis au Koweït en 1983. Il a été condamné à mort pour ces explosions, par contumace puisqu'il fuit le pays juste après les attaques. En 1987, il passe haut-commandant des brigades Badr, des unités de combattants irakiens formées en Iran pour combattre à ses côtés dans la guerre contre l'Irak.
Une pièce centrale à Bagdad pour Téhéran
Il ne revient qu'en 2003 dans son pays natal débarrassé du tyran sunnite, mais bientôt en proie à une guerre civile. Sous son vrai nom cette fois, il est brièvement député dans l'Assemblée mise en place par les Américains, il s'attelle surtout dans l'ombre à étendre l'influence iranienne pour contrer les desseins des Occidentaux pour la reconstruction du nouvel Irak. Il aide à mettre sur pied les brigades du Hezbollah, une faction pro-Iran intégrée au Hachd al-Chaabi, que Washington accuse d'être derrière une récente série d'attaques à la roquette contre ses intérêts en Irak.
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Il prend les commandes opérationnelles du Hachd dont il a « assidûment travaillé à (en) faire une organisation jamais totalement sous le contrôle du Premier ministre ou la commande des forces régulières », décrypte l'expert Michael Knights du Washington Institute. Sa proximité idéologique avec l'Iran faisait d'Al-Mouhandis une pièce centrale dans la stratégie d'emprise de Téhéran sur l'Irak. Mais il n'est pas le seul.