C'est une formalité, mais c’est la règle en Turquie : un projet de loi doit être présenté devant le Parlement pour l'envoi de troupes hors des frontières. Une procédure utilisée tous les ans pour la Syrie par exemple. Le texte sera présenté le 7 janvier et voté le 8 ou le 9 janvier, dit Ankara. « Nous soutiendrons par tous les moyens le gouvernement de Tripoli, qui résiste contre un général putschiste », a poursuivi Erdogan, faisant référence au général Haftar, soutenu notamment par l’Arabie Saoudite et l’Égypte.
Les relations toujours tendues entre Erdogan et Poutine
Le 8 janvier prochain, Vladimir Poutine sera en Turquie, une visite prévue de longue date. Le président russe doit participer à la cérémonie d’inauguration du gazoduc TurkStream, un gazoduc qui relie la Russie et la Chine via la mer Noire. Pour cette visite, on s'attendait plutôt à une baisse des tensions, tant la diplomatie d'Erdogan s’apparente à de l’équilibrisme.
La Turquie, membre de l’Otan, a commencé à s’équiper de missiles russes S400 et est membre avec l'Iran et la Russie du groupe d’Astana pour la résolution du conflit syrien, même si ce trio tourne au bras de fer russo-turc le plus souvent.
L'envoi de troupes en Libye serait donc un nouveau front face à la Russie qui soutient l’autre camp, mais sans l’admettre officiellement.
Erdogan s'assure du soutien de la Tunisie
Cet été, l'appui militaire turc au gouvernement de Tripoli s’était résumé pour l'essentiel à l’envoi de drones tactiques et d'une soixantaine de spécialistes pour les manœuvrer. En novembre, le gouvernement turc avait signé deux accords de coopération avec le gouvernement d’union nationale libyen, le GNA.
Mercredi 25 décembre, lors d’une visite surprise en Tunisie, le pays était au centre des discussions. Le président turc, qui a fait le déplacement avec ses ministres de la Défense, des Affaires étrangères et son chef du renseignement, voulait s’assurer du soutien de Tunis, qui partage une longue frontière avec le pays, précise notre correspondante à Istanbul, Cerise Sudry-Le Dû.
La Tunisie, habituellement pacificatrice dans le conflit libyen se retrouve dans une position délicate suite à la visite d'Erdogan et à la conférence du ministre de l’Intérieur libyen de ce jeudi, rapporte notre correspondante à Tunis, Lilia Blaise. Menacée par ce jeu dangereux qui se joue à ses frontières, la présidence tunisienne dément toute alliance stratégique ou militaire avec la Turquie ou la Libye contrairement aux rumeurs qui ont circulé depuis la visite d’Erdogan.
Un soutien turc pour contrer les forces étrangères d'Haftar
Pour le moment, les moyens qui seront envoyés en Libye ne sont pas encore connus. « Ça sera suffisant pour repousser les attaques des ennemis, qui ont des avions de combat », précise la presse gouvernementale.
En réponse à l’usage de forces russes soudanaises et tchadiennes par le Maréchal Haftar en Libye, le gouvernement d’Union nationale justifie le soutien militaire qui se profile avec la Turquie : « Haftar a donné accès à des bases libyennes et à des aéroports locaux pour des forces étrangères sans aucun accord. Si cette situation continue, nous avons le droit de nous défendre et de défendre Tripoli. Nous demanderons donc au gouvernement turc de nous aider militairement. En sorte que l'on puisse repousser les mercenaires. »
« Cette intervention militaire turque visera uniquement les forces mercenaires et les bases qu'ils utilisent, des bases qui ont été accordées par Khalifa Haftar à des pays étranger sans l'autorisation du gouvernement d'Union nationale », a assuré Fathi Bashagha, le ministre libyen de l'Intérieur. Une conférence internationale pour la Libye doit être organisée à Berlin début 2020.
Interrogé par RFI, Jalel Harchaoui, spécialiste des questions politiques et militaires libyennes, a expliqué les raisons de ce nouveau pas dans l'engagement turc en Libye. Selon lui, ce que souhaite la Turquie, c'est la survie du gouvernement d’union nationale.