Avec notre envoyé spécial au Kurdistan syrien,
Sur la ligne de démarcation entre les Turcs et les Syriens, on peut parler d’un calme très précaire. Les combats qui ont eu lieu dans le courant du mois d’octobre entre les Turcs d’un côté, et les soldats kurdes épaulés par les troupes de Bachar el-Assad de l’autre, sont en principe terminés. Mais la nuit, on entend encore régulièrement des échanges de tirs.
►À écouter aussi : La frontière turco-syrienne, une longue histoire de conflits
Dans la fameuse « zone de sécurité » de Recep Tayiip Erdogan, 4000 km2 de territoire syrien où stationnent des milices d'Ankara, les villages sont vides. 200 000 personnes qui vivaient à la frontière avec la Turquie ont fui vers le Sud pour échapper à l’avancée des milices d’Ankara. Pour le président turc, l’objectif affiché était de chasser les combattants kurdes, des terroristes selon lui, de sa frontière. Cet objectif est seulement partiellement atteint, puisque les milices du président Erdogan n’occupent aujourd’hui qu’une partie de la zone frontalière. Le reste est toujours aux mains des forces kurdes.
Sérieux revers pour les forces kurdes
Du côté des responsables du Kurdistan syrien, on se voile la face, du moins devant les journalistes. Ils disent qu’ils finiront par récupérer leurs terres, mais la population kurde, elle, est plutôt fataliste. Car face à l’armée turque, une armée très puissante, les milices kurdes ont dû appeler au secours les troupes de Bachar el-Assad.
Les forces du régime, qui avaient déserté le Kurdistan syrien, stationnent de nouveau dans la région. Leur départ, il y a huit ans, avait permis aux Kurdes d’établir une administration autonome de Damas. Leur retour signe de fait la fin de cette autonomie, la fin d’un rêve aussi : celui d'un Kurdistan syrien indépendant.
Finalement, le grand gagnant du départ des Occidentaux et le vrai vainqueur de l’offensive turque, c’est sans doute le président syrien Bachar el-Assad. Alors qu’il est en train de mater les rebelles, à l’ouest du pays, dans la ville d’Idleb, le dictateur reprend progressivement le contrôle du nord-est tenu jusqu’ici par les Kurdes. La population n’a donc pas vraiment de quoi être optimiste.
Haine contre les Turcs, colère contre les Occidentaux
Les gens sont très en colère contre les Turcs. On peut même parler d’une haine profonde. Les milices soutenues par la Turquie sont systématiquement assimilées aux jihadistes de l’organisation État islamique (EI) et le président Erdogan est comparé à leur ancien chef Abou Bakr al-Baghdadi.
Pour ce qui est des Occidentaux avec qui ils ont combattu en première ligne contre le groupe État islamique, et qui les laissent maintenant tomber, les Kurdes sont plus mesurés. Mais il se sentent abandonnés. Tout le monde sait que sans la décision de Donald Trump de retirer ses troupes du nord-est de la Syrie, jamais la Turquie n’aurait pu attaquer la zone. Le rêve d’un Kurdistan syrien indépendant serait toujours, alors, à portée de main.
►A lire aussi : Kurdistan syrien: utopie ou réalité politique?
►A écouter aussi : Turquie-Syrie: pourquoi Donald Trump «lâche» les Kurdes?