A l'issue d'un Conseil de défense restreint, en début de semaine, la présidence française de la République a sobrement indiqué dans un communiqué que « Paris allait prendre des mesures pour assurer la sécurité des personnels français militaires présents dans le nord de la Syrie » : une formulation succincte, pour évoquer le retrait des forces spéciales françaises qui, depuis 2015, avec les Kurdes luttaient contre le terrorisme de Daesh.
Une présence militaire française difficile à maintenir
Le départ des troupes américaines, véritable colonne vertébrale en matière logistique, rend cette mission française presque impossible, confirme Elie Tenenbaum, chercheur à l'Institut français des relations internationales : « On pourrait imaginer une mission de liaison résiduelle qui resterait, mais qui se limiterait probablement à quelques personnels et pas plus. Et encore… Tout dépendra évidemment du contexte sécuritaire et politique des Kurdes. Comment est-ce que les forces kurdes vont opérer face à l’avancée des Turcs. Mais c’est aussi la question de l’alliance avec l’armée syrienne de Bachar el-Assad, s’il n’est toujours pas considéré comme fréquentable. On verrait mal des conseillers français ou des forces spéciales françaises opérer aux côtés de l’armée syrienne de Bachar el-Assad, de ces différentes milices soutenues par l’Iran, du Hezbollah. Cela paraît politiquement difficile à envisager. Tout cela contribue à faire en sorte que la présence française va être difficile à maintenir dans son état actuel ».
Le risque de résurrection de l'Etat islamique
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a annoncé qu'il allait se rendre en Irak pour discuter avec les autorités irakiennes et « les Kurdes » de la « sécurité » des camps où sont détenus les jihadistes étrangers.
Les Kurdes n'ont jamais caché, qu'en cas d'offensive turque, ils ne se concentreraient pas sur le sort des milliers de jihadistes, placés en détention. Ce dimanche 13 octobre, 800 prisonniers, dont des Françaises ont fui l'un de ces camps. Ils pourraient rejoindre le maquis de Daech en Syrie, assure Laurence Bindner, co-fondatrice du Jos Project, organisation d'étude de l'activité jihadiste en ligne. « Les jihadistes perçoivent l’opportunité tant attendue, à la fois de renforcer l’insurrection avec une intensification des attaques et la libération des militants qui sont actuellement en prison. Et d’autre part, l’opportunité de libérer, de désenchaîner cette idéologie dont les femmes sont légataires et qui est depuis de longs mois sous contrainte et circonscrite dans les camps. La propagande du groupe met de façon croissante l’accent sur la nécessité de libérer les membres, les sympathisants, les familles détenues dans les prisons et les camps. Al-Baghdadi lui-même, le khalife autoproclamé de l’État islamique, dans son dernier discours qui date du 12 septembre dernier, enjoignait très clairement ses partisans à aller libérer leurs frères et leurs sœurs emprisonnés et à détruire les murs qui les entourent. Une partie de cette rhétorique au niveau de la propagande s’est cristallisée autour du thème de l’humiliation des sœurs détenues dans les camps, de la victimisation et du corolaire de cette victimisation, qui est le devoir de vengeance ».
La question du retour des jihadistes
Jusqu'à présent, la France a toujours refusé de rapatrier ses ressortissants, considérant qu'ils devaient être jugés là où ils avaient commis leurs crimes. Une posture irresponsable et dangereuse martèle depuis longtemps l'avocat français William Bourdon : « Nous, on ne cesse de dire qu’au-delà de l’urgence humanitaire, morale, politique, juridique, de rapatrier d’abord les enfants et les mères que cette politique court-termiste, démagogique, de faire croire aux Français qu’ils seraient mieux protégés en faisant tout pour qu’ils ne reviennent pas, pourrait être un remède pire que le mal. On n'a cessé de le répéter dans un silence totalement assourdissant. Le gouvernement a campé d’une façon extrêmement rigide sur cette position. Le résultat, c’est qu’on a voulu protéger les Français, en leur faisant croire que leur sécurité serait plus assurée en ne les faisant pas revenir, et en fait, c’est leur sécurité qui sera moins bien assurée, dès lors que l’on a pris le risque qu’ils soient recyclés par les forces les plus obscures de l’humanité. Je veux dire, bien sûr, Daech ».
■ Une réunion de responsables politiques pour soutenir les Kurdes