Le tonnerre de l'artillerie est uniquement interrompu par la sirène des ambulances, rapporte notre envoyé spécial à Altun Kupri, Wilson Fache. Forces kurdes et irakiennes se sont affrontées vendredi à la mitrailleuse lourde et au mortier dans cet ensemble de 36 villages s'étendant sur 530 km² et habités par une population mixte de 56 000 Kurdes et Turkmènes. Pour les soldats irakiens, c'est un redéploiement dans une région qui dépend du gouvernement central. Pour les Kurdes, c'est une déclaration de guerre.
Divisions inter-ethniques
Cette zone agricole est stratégique, car située à équidistance entre les villes de Kirkouk et d'Erbil (50 km), à la limite entre les deux provinces. C'est par cette zone que transitent les échanges commerciaux et touristiques entre le Kurdistan et le reste du territoire irakien.
Or, si une ligne de front sépare désormais soldats kurdes et irakiens, au sein même de Altun Kupri, la crise divise même les voisins.
En 2003, au moment de l'invasion américaine, la ville avait été confiée aux forces de police kurdes. Mais dans la ville cosmopolite, l'arrivée des forces fédérales a été accueillie avec satisfaction par les habitants qui ne se sentaient pas représentés par les forces kurdes. « C'est une libération », assure même un membre de la communauté turkmène. Mais la joie sera de courte durée. Selon ce résident, les bombardements kurdes sur la ville ont blessé et tué une dizaine de civils.
Pour Karim Yassin Ali, un résident kurde de 50 ans, c'est au contraire l'avancée des forces fédérales qui s'apparente à une invasion, comme au temps de Saddam Hussein. Ce père de quatre enfants doit désormais faire le deuil de son cousin, tué dans les combats.
Washington inquiète
Dans la nuit, le président kurde, Massoud Barzani, a dénoncé dans un communiqué des « tentatives de génocide du gouvernement irakien », appelant « l'opinion internationale » à « faire pression sur les gouvernements (mondiaux) pour éviter de nouvelles catastrophes au peuple kurde ».
La diplomatie américaine s'est dite « inquiète » de ces violences dans le nord du pays. Elle « demande au gouvernement central de calmer la situation en limitant les mouvements des forces (armées) fédérales dans les zones disputées ».