Chute de Raqqa: le silence et l'attentisme d’Ankara et Moscou

La libération de Raqqa en Syrie, saluée par les pays de la coalition anti-groupe EI emmenée par les Kurdes et soutenue par les Etats-Unis, n’est pas accueillie avec le même enthousiasme en Russie ou en Turquie. Moscou, engagée elle aussi contre les combattants jihadistes mais aux côtés de Bachar el-Assad, voit avec inquiétude la progression des forces arabo-kurdes. Quant à Ankara, qui n’a pas participé à l’offensive contre Raqqa, elle dénonce toujours l’alliance des Américains avec les « terroristes » kurdes des YPG, alliés selon elle du PKK.

Russie et régime syrien de Bachar el-Assad craignent, après la reprise de Raqqa, que les forces kurdes soutenues par Washington ne jettent toutes leurs forces dans la province de Deir Ezzor, explique notre correspondant à Moscou, Daniel Vallot.

Depuis plusieurs mois, c'est en effet une véritable course-poursuite qui s'est engagée entre les deux coalitions pour reprendre à l'organisation Etat islamique le plus de territoire possible.

Au nord de l'Euphrate, ce sont donc les combattants kurdes et leurs alliés occidentaux qui sont à l'œuvre, tandis qu’au sud, on retrouve l'armée syrienne et ses alliés russes et iraniens. En septembre dernier, Russes et Syriens ont marqué des points en brisant le siège de Deir Ezzor.

Moscou contre Washington

Mais depuis, l'offensive piétine et Moscou ne cesse d'accuser Washington de faire le jeu des combattants jihadistes afin de freiner l'avancée du régime. « L'obstacle principal pour vaincre l'Etat islamique en Syrie ce n'est pas leur capacité à se battre, mais le soutien apporté par les Etats-Unis » a même déclaré début octobre le porte-parole du ministère russe de la Défense.

Dans ce contexte plutôt tendu, rien de surprenant à ce que la Russie n'ait pas souhaité commenter la reprise de Raqqa par la coalition arabo-kurde.

La Turquie se concentre sur le Nord-Ouest

De son côté, la Turquie mène sa propre offensive dans le nord-ouest de la Syrie avec ses alliés rebelles syriens et se tient pour le moment loin de Raqqa, explique notre correspondant à Istanbul, Alexandre Billette.

Jusqu’au bout, Recep Tayyip Erdogan a voulu croire que Washington allait abandonner les forces kurdes et mènerait la bataille de Raqqa avec l’armée turque. Il n’en a rien été. En conséquence, Ankara s’intéresse plus à sa propre action militaire et à la situation dans les régions kurdes de l’Irak qu’à la reprise de l’ancienne capitale du groupe Etat islamique.

Ankara observe et s'interroge

Le pouvoir turc est aujourd’hui dans l’attente. Il se demande le sort qui sera réservé par les Américains à leurs alliés kurdes lorsque l’Etat islamique sera éradiqué. Il se demande également quelle gouvernance va s’installer dans cette région partagée entre Sunnites soutenus par Ankara et milices kurdes que la Turquie considère comme terroristes.

En bref, la Turquie se demande peut-être s’il elle n’a pas encore un coup à jouer dans une région où l’après groupe EI s’annonce compliqué. Notamment à Raqqa où deux groupes s’opposent désormais pour le contrôle civil de la ville : l’un arrivé avec les combattants arabo-kurdes, l’autre appuyé par la Coalition nationale syrienne, basée en Turquie et soutenue par Ankara.

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