Syrie: à Genève, les contours totalement flous d'un dialogue régime-opposition

De difficiles pourparlers commencent à Genève sans grand espoir. L'ONU a solennellement appelé jeudi 23 février 2017 les frères ennemis syriens à faire preuve de « responsabilité historique » pour mettre fin au conflit, qui ravage leur pays depuis six ans. Le régime d’un côté, les opposants de l’autre, se sont réunis autour d’une même table pour la cérémonie de bienvenue. La suite s’annonce plus compliquée.

Avec notre envoyé spécial à Genève,  Sami Boukhelifa

Après une journée de tractations à Genève, jeudi, l’émissaire de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, 70 ans, s’est entretenu avec la délégation du régime de Damas puis avec les représentants de l’opposition.

Les différents protagonistes du conflit syrien se sont réunis autour d’une même table pour la cérémonie de bienvenue, mais la suite sera moins protocolaire. Les négociations directes ne sont apparemment pas à l’ordre du jour.

Pour l'heure, ils se sont rencontrés mais n’ont rien échangé à part un regard glacial. Pas un mot. Face à face à la tribune du palais des Nations, assis à des tables disposées en fer à cheval, ils ont écouté M. de Mistura, prostrés sur leurs chaises.

« Je l'ai dit dès le début, je ne m'attends pas à un miracle. Nous devons surmonter une lourde tâche. Ça ne sera pas facile, il y a de la tension et des souffrances, mais nous devons faire de notre mieux », leur a lancé le diplomate.

En coulisse, l’émissaire de l’ONU pour la Syrie fait tout son possible. Il se plie en quatre pour provoquer cette étincelle qui lancerait enfin un dialogue direct tant attendu, tant espéré entre le régime et l’opposition.

De Mistura, encore une mission difficile

« Nous savons tous ce qui arrivera si nous échouons. Il y aura davantage de morts, davantage de souffrance, davantage d'atrocités, davantage de terrorisme et davantage de réfugiés. Notre mission n'est pas simple. Mettons-nous au travail », plaide M. de Mistura.

« Espérons que le cessez-le-feu soit respecté », ajoute l'émissaire. Et d'oser, à la fin de son discours de bienvenue, cette prière en arabe : « Que Dieu vous bénisse et nous vienne en aide. » Reste à voir si les vœux du diplomate seront exaucés.

Pour l’heure, impossible de dire en effet quel schéma prendront les discussions. Même les sources les plus proches du dossier sont dans le flou, confie un diplomate occidental. Si un dialogue direct est amorcé, ça sera déjà une belle victoire.

Dans le cas contraire, Staffan de Mistura, habitué des missions difficiles, devra faire la navette, des va-et-vient entre le régime et l'opposition. Trois points-clés pour préparer la Syrie du futur : transition politique, réforme constitutionnelle, élections libres.

Mais pour une fois, ce n’est pas de la faute du régime si les échanges sont impossibles. Ses représentants, généralement très provocateurs, n’ont pas fait de vague pour l’instant. Ils sont là et seraient disposés au dialogue direct.

Trois oppositions pour une négociation

Le souci, actuellement, ce sont les oppositions syriennes, qui sont multiples. Trois groupes distincts : le traditionnel Haut Comité des négociations (HCN) et deux autres groupes opposants, appelés « plateforme de Moscou » et « plateforme du Caire ».

Ces deux derniers partagent la même vision, mais pas le HCN. Pour le Haut Comité des négociations, la Syrie du futur se fera sans le régime actuel. Tandis que la priorité absolue pour les deux autres groupes de l’opposition, c’est la fin de la guerre.

Or, afin d'y parvenir, ils sont pour leur part prêts à mener une transition main dans la main avec le pouvoir de Damas. Difficile, donc, d’obtenir la moindre entente dans ce climat de tension entre les différents membres de l’opposition.

« Nous n'avons pas le choix. Nous devons faire preuve d'optimisme. Ce dossier est crucial. Il en va de l'avenir de la Syrie. Nous voulons mener une transition politique et nous voulons le faire avec le pouvoir déjà en place », explique Jihad Makdissi, du groupe du Caire.

« Nous sommes disposés à travailler avec M. de Mistura. S'il faut un dialogue bilatéral avec le pouvoir syrien, nous ferons le nécessaire, du moment où le communiqué de Genève est notre unique référence », ajoute ce membre de l'opposition.

Cette divergence de vues est aussi une bénédiction pour le régime syrien de Bachar el-Assad. Ses représentants à Genève n’hésiteront pas à s’engouffrer dans la brèche ouverte par ces divisions qui minent l’opposition syrienne.

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