C'est dans le sillage des « printemps arabes », début 2011, que la Syrie connait ses premières manifestations hostiles au pouvoir de Bachar el-Assad. Réprimée dans la violence par les autorités, la révolte devient un soulèvement armé soutenu par la Turquie, les pays du Golfe et les Occidentaux, convaincus que Bachar el-Assad finira par tomber.
En 2012, les rebelles s'emparent de vastes territoires syriens incluant Alep, la capitale économique de Syrie. La proximité de la Turquie offre une base arrière à l'opposition, mais cette frontière ouverte sert aussi à des milliers de combattants jihadistes venant grossir les rangs d'organisations radicales, parmi lesquelles celle qui deviendra le groupe Etat islamique.
Des combats opposeront alors les rebelles syriens et les jihadistes de l'organisation EI, hégémoniques et ultra-violents. Puis, l'été 2013 est un tournant du conflit syrien : les Occidentaux accusent Bachar el-Assad d'avoir utilisé des armes chimiques. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France préparent des frappes contre le régime, mais renoncent au dernier moment.
Cet épisode renforce Damas et ses alliés russe et iranien. Sur le terrain, le Hezbollah libanais, soutenu par Téhéran, ainsi que des miliciens afghans et irakiens, prêtent main forte à l'armée gouvernementale. Et lorsque l’armée syrienne menace quand même de s'effondrer en 2015, la Russie intervient militairement.
L'arrivée de la Russie va totalement bouleverser l'équilibre des forces en présence sur le terrain. D'autant qu'à ce moment-là, les Occidentaux ont une nouvelle priorité : la lutte contre le groupe EI, bombardé en Syrie comme en Irak par la coalition.
L’axe Damas – Moscou – Téhéran, grand vainqueur de la bataille d’Alep
La chute d'Alep, entérinée par le régime de Damas ce jeudi 22 décembre, va ainsi ouvrir un nouveau chapitre important du conflit syrien. Mais pour l'heure, elle n’offre pas encore une perspective de règlement politique ni de répit pour les populations.
C'est une victoire militaire pour le régime de Bachar el-Assad et ses alliés. Depuis des années, l’axe Damas-Moscou-Téhéran n'avait plus changé de discours, qualifiant de « terroristes » tous les groupes de la rébellion et refusant de les distinguer des groupes jihadistes radicaux, comme al-Qaïda ou l'organisation Etat islamique.
C'est à l'inverse une défaite pour les pays de la région qui soutiennent l'opposition syrienne, comme les pays du Golfe et la Turquie. Ankara a d'ailleurs progressivement changé de priorité ces derniers mois, concentrant ses efforts contre les Kurdes de Syrie. Autrefois en pointe contre Bachar el-Assad, la Turquie s'est même rapprochée de Moscou, le principal soutien du régime de Damas.
Alep constitue également un échec pour les Occidentaux. Leurs hésitations et leurs ambiguïtés les ont réduits à l'impuissance et les déclarations indignées de Paris, Londres ou Washington, ont été couvertes par le fracas des bombes.
Enfin, le siège d'Alep restera comme un fiasco du système international actuel. Six veto russes et cinq veto chinois ont torpillé les projets de résolution sur la Syrie au Conseil de sécurité de l'ONU. En effet, les tentatives de négociations pour une transition politique en Syrie se sont toutes heurtées à l'intransigeance du régime et de ses alliés. Sur le plan humanitaire, la communauté internationale n'est jamais parvenue à soulager les souffrances des civils d'Alep.