[Reportage]Près de Mossoul, le difficile retour des villageois dans leurs foyers

Les combats pour la reprise de Mossoul entrent dans leur 26ème jour. L’armée irakienne rencontre une vive résistance de la part des jihadistes sur la rive gauche du Tibre. Dans les régions libérées récemment, des milliers de personnes qui avaient fuient à Erbil face à l’arrivée des islamistes, tentent de retourner chez eux pour se rendre compte de l’état de leurs biens.

Avec notre envoyée spéciale dans la région de MossoulAnastasia Becchio

Des dizaines de voitures garées le long du grand axe qui mène à Mossoul. Des hommes sont agglutinés autour de responsables peshmergas : ils sont venus chercher un laissez-passer. Il y a plus 1000 demandes chaque jour explique l’un des responsables, occupé à signer les documents.

Salama rêve de pouvoir revoir sa ville de Bartalla. « C’est là que nous avons tous nos bons souvenirs : c’est là où on est nés, où on s’est marié, où nos enfants sont nés. »

Saad, jeune médecin de 24 ans n’est pas retourné à Gogjali, un quartier de Mossoul depuis que les islamistes s’y sont installés il y a deux ans et demi. « Bien sûr, je me réjouis de la perspective de revoir ma région natale, mais je suis aussi inquiet, avoue-t-il. Je veux voir ce qui est arrivé à ma maison et au voisinage. »

Villages piégés

Une fois le document obtenu, les hommes courent vers leur voiture le sourire aux lèvres. Mais leur joie sera de courte durée. Au barrage suivant, les militaires irakiens ne laissent passer quasiment personne. Au-delà, la zone n’est pas entièrement sûre. C’est le cas à Bartalla, libérée il y a deux semaines.

« Nous avons un ordre de ne pas laisser entrer les civils parce que la ville n’est pas entièrement sécurisée et elle n’a pas été nettoyée des engins explosifs et des voitures piégées », explique Ali Mohammed Fati, le maire de cette ville chrétienne, située à 21 km à l’est de Mossoul dans la province de Ninive.

Huit démineurs sont actuellement mobilisés à Bartalla. ll leur faudra des mois, peut-être des années avant de nettoyer toute la ville et tout remettre en ordre. La priorité est d’enlever les engins piégés que les islamistes ont laissés un peu partout. Rares sont donc les habitants autorisés à venir passer quelques minutes pour voir l’état de leur maison et reprendre quelques objets, quand il en reste.

Une maison vidée par les jihadistes

Les vitres sont brisées, mais la maison est encore debout dans un quartier de Bartalla, où plusieurs bâtiments ne sont plus que ruines. Mais la joie de retrouver leur foyer est vite ternie lorsqu’Icham Sami et son mari réalisent que la maison a été entièrement vidée. Deux lustres en cristal qui pendent encore au plafond sont à peu près tout ce qui leur reste de leur passé

« Ils ont tout détruit. Même nos photos d’enfance ont été brûlées. Je ne vois pas ce que je peux dire, je suis sans voix ». Par liaison skype, le couple parle à une parente qui habitait aussi la maison. « Cette maison c’était toute son âme. Elle a fait tant pour l’aménager, ça a été si difficile de la convaincre de partir pour le Liban ».

Souvenirs, meubles anciens, bijoux, peintures…. Tout s’est volatilisé. Dans le couloir, deux socles en marbre : les statues du Christ et de la Vierge ont disparu explique le fils de la famille, en soutane noire, mais le plus dur dit-il, en exhibant la carte d’identité d’une femme, « c’est de savoir que des jihadistes ont vécu chez nous ». « Quand mon père est entré dans la maison, il a trouvé cette preuve, explique-t-il. Les gens qui ont habité ici étaient de Daech. Ils ont oublié ce document ici ».

Le premier choc passé, la famille chrétienne s’apprête à repartir. Bartalla n’est pas encore nettoyé des explosifs ni totalement sécurisé. Aujourd’hui, Icham ne sait pas si elle reviendra vivre un jour dans sa maison d’enfance.
 

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