Au Liban, une page Facebook pour dénoncer l'absence de l’Etat

Le Liban vit une crise institutionnelle sans précédent depuis plus de deux ans. Le pays est sans président de la République, le gouvernement est incapable de prendre des décisions importantes en raison des conflits, et le Parlement, paralysé à cause du boycott de plusieurs partis, ne légifère plus. Résultat : les violations des lois se multiplient dans l’impunité la plus totale et dans l’indifférence (presque) générale.

De notre correspondant à Beyrouth,

Face à la déliquescence des institutions, des internautes se sont mobilisés pour créer une page Facebook intitulée « Où est l’Etat ». Le but des administrateurs de cette page est de dénoncer le laxisme des pouvoirs publics, de critiquer l’absence de l’Etat et de sensibiliser l’opinion sur ses droits et ses devoirs.

Déjà 20 000 femmes pour une page en pleine croissance

Tous les jours, des vidéos ou des photos montrant des personnes en flagrant délit de violations des lois sont postées et commentées. Cela va du sac d’ordures jeté par des indélicats à partir d’une voiture en marche, aux violences infligées à une femme en pleine rue, où encore à des enfants se balançant dangereusement sur le bord d’un balcon du 5e étage.

Les thèmes les plus fréquemment évoqués sont l’insécurité, les violences faites aux femmes, les dangers auxquels les adultes exposent les enfants, mais aussi la détérioration des biens publics et la dégradation de l’environnement. L’incurie de l’Etat, censé veiller à l’application des lois, est dénoncée dans les termes les plus sévères.

Pour ajouter à l’embarras des pouvoirs publics, souvent, des images montrant des agents de police, roulant en sens interdit ou dans des voitures sans plaque d’immatriculation, sont postées. Et « Où est l’Etat » compte déjà près de 20 000 fans, avec une croissance de 2 % par semaine.

Peuvent-ils faire réagir les autorités dans certains cas ?

Le succès de la page s’explique par le fait que les Libanais en ont « ras le bol » du laxisme de l’Etat et des violations systématiques des lois par ceux qui jouissent de protections ou, tout simplement, par des citoyens qui ont oublié le sens du civisme. Cette page est une sorte de défouloir, un lieu de libre expression.

Dans certains cas, la page « Où est l’Etat », qui compile parfois de graves délits méritant l’engagement de procédures judiciaires, a fait réagir les autorités. Elle a permis à la police d’arrêter des malfaiteurs, surtout lors d’appels à témoins pour reconnaître un présumé voleur apparaissant sur une vidéo de surveillance postée sur la page.

A l'inverse, une vidéo publiée sur la page montrait un homme battant sauvagement une femme en pleine rue. Elle n’a cependant suscité aucune réaction de la part de la justice. Avec des tribunaux croulant sous les dossiers et des prisons surpeuplées, on imagine que les magistrats font semblant de n’avoir rien vu.

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