Les Yézidis fêtent leur Nouvel an dans le Kurdistan irakien

Selon le calendrier yézidi, nous sommes entrés dans l'année 6 766. Les membres de cette communauté principalement présents au nord de l'Irak ont fêté la nouvelle année hier, mercredi 20 avril. Les familles ont commencé la nouvelle année en visitant leurs morts et de nombreux Yézidis se sont rassemblés à Lalish, centre spirituel de la religion, à une heure de route de Dohuk dans la région autonome du Kurdistan irakien. Reportage. 

Avec notre envoyée spéciale au Kurdistan irakien, Oriane Verdier

Dans ce cimetière d'Erbil envahi par les fleurs jaunes de colza, une famille se recueille, assise à même le sol. Au pied de la tombe de son père, Sardar a allumé un feu. « Nous allumons une flamme au niveau de la tête du mort. Cela symbolise la vie, nous explique Sardar. Il est mort corporellement mais son âme est toujours vivante. Sa lumière à lui n'est pas encore éteinte, elle continue à travers sa famille ». Sur la pierre tombale, un panier d'œufs multicolores signe du renouveau. « Nous, les Yézidis, disons que l'œuf représente la terre, poursuit Sardar. A l'intérieur, le jaune représente le soleil. Lorsque l'on coupe cet œuf en deux, nous rappelons le premier levé de soleil qui a donné vie à notre monde ».

Les femmes de la famille ont également posé de grosses casseroles sur la pierre. L'une d'entre elles, Rawshê, ouvre un couvercle et nous présente une marmite pleine de kefta. « C'est une offrande pour le mort. S'il a faim dans l'au-delà il pourra manger, précise Rawshê. C'est grâce à tout ce que mon beau-père a récolté dans sa vie que nous avons de quoi manger ce plat aujourd'hui. C'est une manière de témoigner à Dieu de sa vertu ». Une fois le repas partagé sur une nappe étendue au sol. La famille se retire, sans oublier d'arroser la pierre tombale pour désaltérer le père, parti dans l'au-delà.

Prière au temple de Lalish

Les pèlerins cheminent le long d'une colline verdoyante. Au sommet, entre les arbres, se cache un vieux temple en pierre ocre. Pour y entrer, il faut jouer des coudes car tous veulent être béni par Baba Cheikh, le chef religieux. Assis à même le sol à l'intérieur du temple, Baba Cheikh, barbe noir, est drapé de blanc.

« Chaque année, il y a autant de monde qu'aujourd'hui. C'est notre fête de Nouvel an qui célèbre le jour de la création de l'univers. Ici, c'est le pèlerinage comme les musulmans ont la Mecque, nous avons notre temple. C'est ici que le monde a été créé » nous explique Baba Cheikh.

Mais beaucoup de Yézidis ont perdu des proches tués par Daesh aussi n'ont-il pas le cœur à la fête. C'est le cas de Haji qui pique-nique sur le bord de la route avec ses amis. « Nous voulons le célébrer aussi pour nos proches qui vivent sous Daesh. Mes parents ont été enlevés, mon frère aussi, ma soeur, mes neveux et mes cousins. Ils sont soit à Mossoul soit à Raqqa, la région de Daesh. Peu importe à quel point la situation est horrible, nous tenons toujours à célébrer notre fête car pour nous, ce jour est saint ».

Une fois la fête finie, Haji, comme beaucoup d'autres, rejoindra le camp de réfugiés où il habite depuis deux ans, depuis qu'il a abandonné sa maison aux mains de Daesh.

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