Avec nos correspondants à Amman et Beyrouth, Angélique Férat et Paul Khalifeh
Les Kurdes syriens et leurs alliés locaux ont pris mardi le bourg de Cheikh Issa et ne sont plus qu’à 5 kilomètres à l’ouest de Mareh, l’un des deux derniers des bastions rebelles islamistes au nord d’Alep. Les groupes qui défendent la ville sont totalement encerclés par les Kurdes à l’Ouest et par les jihadistes du groupe Etat islamique à l’Est et au Nord.
Des négociations sont en cours avec des notables de Mareh pour pénétrer sans combat dans cette ville, mais elles butent sur le refus des groupes les plus extrémistes, notamment le Front al-Nosra, branche syrienne d’al-Qaïda, qui veulent se battre jusqu’au bout.
Les Kurdes ont avancé malgré la poursuite des tirs d’artillerie turcs. Des obus se sont ainsi abattus mardi sur la ville de Tall Rifaat, prise la veille aux rebelles.
Une progression effectuée sous le feu d'Ankara
L'artillerie turque bombarde depuis plusieurs jours les positions tenues à sa frontière par les organisations kurdes, considérées par Ankara comme des « organisations terroristes ».
Les Etats-Unis et la France, pourtant alliés d'Ankara au sein de l'Otan, ainsi que le gouvernement syrien et la Russie, condamnent ces bombardements, ce qui n'a pas empêché un officiel turc de se déclarer en faveur d'une opération terrestre en Syrie, à condition qu'elle soit menée conjointement avec les alliés internationaux.
De violents combats ont aussi éclaté à l’intérieur de la ville d’Alep. Des groupes islamistes ont en effet tiré plus de 250 obus et roquettes contre le quartier de Cheikh Maksoud, dont la majorité des habitants est kurde. Selon l’ONG Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les combattants kurdes ont riposté et avancé vers les zones tenues par les rebelles.
L'armée syrienne face à l'organisation EI à l'est d'Alep
Les combats font rage aussi à l’est d’Alep, entre l’armée gouvernementale et le groupe Etat islamique. L’armée syrienne, soutenue par des raids de l’aviation russe, a lancé plusieurs offensives en direction de territoires occupés par l’EI dans cette partie du territoire.
Les troupes loyalistes ont repris, mardi, la centrale électrique qui alimente la ville et qui était aux mains des jihadistes depuis deux ans. Elles ont reconquis plusieurs localités tenues par Daech dans cette région et sont désormais à la lisière de la province de Raqqa, principal fief du groupe EI en Syrie.
L’armée a aussi avancé vers les dernières positions de rebelles islamistes dans la province de Lattaquié, dans l’ouest de la Syrie. Selon la chaîne de télévision panarabe Al-Mayadeen, l’artillerie turque est également entrée en action dans cette région contre l’armée gouvernementale.
L'armée syrienne face aux rebelles de l'ASL dans le Sud
Ces quatre derniers jours, d'intenses combats ont également eu lieu à l'ouest de Deraa, tout au sud de la Syrie, territoire dont les rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL) contrôlaient jusqu'ici une grande partie, et où le régime semble vouloir reprendre les postes-frontières menant à la Jordanie.
L'armée syrienne grignote peu à peu les quelques kilomètres qui la sépare de la frontière et des dizaines de rockets et de missiles sont tombés sur les habitations côté jordanien. Pour Damas, il s'agit de reprendre le contrôle d'un axe vital. L'ASL a du mal à contenir l'offensive, d'autant que les Etats-Unis ont stoppé leur soutien ces derniers mois.
Si le front Sud avait été très calme ces quatre dernières années, la situation est donc en train de basculer en faveur du régime de Damas, depuis la fin du mois d'octobre et les premiers bombardements russes dans le Sud. Fin janvier, la ville de Cheikh Meskine a été reprise par le régime. Les Russes auraient effectué 500 frappes pour soutenir l'offensive. Puis ce fut au tour de la ville d'Ataman.
Le risque du débordement du conflit syrien en Jordanie
Problème pour les Jordaniens : le Hezbollah et plusieurs autres milices chiites sont aux côtés de l'armée syrienne. Et 70 000 civils syriens fuiraient les combats.
Mamoun Abou Nawar, ancien général jordanien, exprime son inquiétude : « Il va y avoir une campagne de frappes aériennes vers notre frontière. C'est une menace pour notre sécurité nationale. »
« Il faudrait une zone tampon comme à la frontière turque au Nord si les choses escaladent, considère le militaire. Et si les frappes aériennes augmentent en puissance, les civils n'auront qu'une solution : fuir vers la Jordanie. Car l'Est est désertique. »
La frontière reste pour l'instant fermée. Russie et Jordanie auraient un accord pour ne pas provoquer une nouvelle vague de réfugiés vers Amman. Le chef d'état-major jordanien s'est rendu à Moscou fin janvier.
■ Le point sur la situation humanitaire
Les autorités syriennes ont approuvé l'accès à des zones assiégées. L'objectif est de permettre l'acheminement de l'aide humanitaire de l'ONU, à l’issue d’une visite effectuée à Damas, mardi, par l’émissaire des Nations unies, Staffan De Mistura.
Il s’agit de sept zones assiégées soit par les rebelles, comme Foua et Kafraya dans la province d'Idleb ; soit par le groupe Etat islamique, comme Deir Ezzor ; soit par l’armée du régime, comme Madaya, Zabadani, Kafar Batna et Maouadamiyat al-Cham, dans la province de Damas.
Des convois chargés de vivres et de médicaments devraient entrer dans ces zones dans les prochains jours. En revanche, la chaine Al-Mayadeen a rapporté que le gouvernement syrien a catégoriquement rejeté une demande de l’émissaire onusien de suspendre les opérations militaires dans la province d’Alep.