Lors de son intervention publique jeudi, Vladimir Poutine a admis que les frappes de l’aviation russe combinées à l’offensive terrestre syrienne étaient néanmoins insuffisantes à éliminer les terroristes de Syrie, rapporte Muriel Pomponne, notre correspondante à Moscou. Il a également répété que l’action militaire actuelle doit déboucher sur un processus politique. Lors de sa visite à Moscou, Bachar el-Assad aurait acquiescé. Et pour Moscou, le renforcement des institutions étatiques en Syrie favoriserait ce dialogue.
C'est pour discuter de ces deux thèmes - lutte commune contre le terrorisme et processus politique comprenant le maintien du régime en place - que le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov rencontre ce vendredi ses homologues américain, saoudien et turc, trois pays qui ont vertement critiqué la poignée de main Assad-Poutine. Le président russe les a d'ailleurs appelés, de même que les responsables égyptiens et jordaniens, juste après avoir remis Bachar el-Assad dans l’avion pour Damas.
Car si son intervention militaire permet à Moscou de reprendre l’initiative sur le dossier syrien, les Russes savent que les frappes n’auront qu’un temps et que la diplomatie devra retrouver sa place. Mais les Saoudiens n’apprécient pas les bombardements russes contre les groupes qu’ils soutiennent, et les Turcs sont vent debout contre une alliance entre les Russes et les Kurdes, comme Moscou l’envisage. Les discussions de Vienne risquent donc d’être tendues.
Les positions des quatre participants
Quel est le rôle du président Assad dans une solution de paix pour la Syrie ? Sur ce point central, les divergences sont nettes entre les participants, relève notre correspondant à Vienne, Christian Fillitz, même si tous sont d’accord qu’il ne pouvait y avoir une solution militaire en Syrie.
A Berlin, où il a rencontré son homologue allemand Franck-Walter Steinmeier et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu jeudi, John Kerry a répété qu’il n’était pas question de maintenir le président syrien au pouvoir, une opinion partagée par les ministres saoudien et turc.
En revanche, Vladimir Poutine affirme que le président syrien serait prêt à entamer le dialogue avec les opposants qui le souhaitent. Quant à son maintien au pouvoir, ce serait aux Syriens d’en décider par des élections transparentes, a dit le président russe.
La rencontre de Vienne débutera avec un entretien en tête-à-tête entre John Kerry et Sergueï Lavrov. Ensuite, ils seront rejoints par leurs homologues saoudien Adel al-Jubei et turc Feridun Sinirlioglu.
■ Analyse
Trois semaines de bombardements intensifs n'auront pas suffi à inverser de manière significative le rapport de force entre les troupes loyalistes et la rébellion. Pour l'heure, l'armée syrienne et les miliciens qui la soutiennent n'ont réussi à avancer qu'au sud d'Alep et dans le nord de Homs. Sur les autres fronts, en particulier dans les provinces d'Idleb et de Hama, la rébellion parvient à contenir l'offensive appuyée dans les airs par l'aviation russe.
Plusieurs éléments peuvent expliquer cette résistance plus vigoureuse qu'anticipée par Moscou et par Damas : d'abord la faiblesse de l'armée syrienne, faiblesse que les bombardements russes ne suffisent pas à compenser. Ensuite, l'utilisation des fameux missiles anti chars, livrés par l'Arabie saoudite et par les Etats-Unis à certains groupes anti-Bachar el-Assad.
Pour le moment, l'offensive lancée par le régime syrien n'a donc pas encore donné de résultats tangibles, mais il est beaucoup trop tôt pour mesurer l'impact sur le long terme des bombardements russes. Et selon des sources militaires syriennes, citées par l'Agence France Presse, il faudra attendre plusieurs mois avant d'évaluer les résultats de l'offensive en cours.