Avec notre correspondante à Jérusalem, Murielle Paradon
Tout le quartier d'Issawiya vient présenter ses condoléances à la famille Darwish. Huda Darwish est morte à 67 ans d'un arrêt cardiaque. Elle a respiré des gaz lacrymogènes lancés par la police israélienne sur des manifestants palestiniens et a été prise de malaises. Mais elle n'est jamais arrivée à l'hôpital ; son fils, qui l'accompagnait en voiture, a été bloqué pendant une heure à un poste de contrôle israélien. « Dans la voiture, elle avait du mal à respirer. Si on avait pu atteindre à temps l'hôpital, qui est à deux minutes d'ici, on l'aurait peut être sauvée avec de l'oxygène ou un médicament pour son cœur, mais le barrage a été fatal », explique Youssef Darwish.
Blocs de béton
En dehors de ce drame, le maire d'Issawiyah, Moussa Darwish, dénonce ce que doit subir toute la population à cause de la mise en place de blocs de béton et de postes de contrôle sur les routes, autour du quartier. « Nous subissons une punition générale. Les enfants n'arrivent pas à rejoindre leur école, les ouvriers arrivent en retard au travail. Tout ça à cause des barrages que les Israéliens ont mis aux entrées du quartier », analyse Moussa Darwish. Avec les barrages des routes et les contrôles israéliens autour d'Issawiya, la vie quotidienne de ces Palestiniens est devenue un parcours du combattant.
Le climat est extrêmement tendu, comme le montre aussi la mort dramatique d'un Erythréen, visé par balle et molesté par la foule qui l'a pris pour un agresseur dans l'attaque de Beersheba, dimanche soir. Les associations de défense des droits de l'homme s'inquiètent. Rotem Ilan, de l'Association israélienne pour les droits civiques, dit craindre que ce genre de drames se multiplie avec la montée des tensions.
Habtom Zarhum, 29 ans
Une photo s’étale en Une du journal Haaretz. Elle montre des centaines de migrants rassemblés au centre de rétention de Holot, dans le sud d’Israël. Ils rendent hommage à l’un des leurs, un demandeur d’asile mort des suites de ses blessures, après avoir été blessé par balle et molesté par la foule alors qu’il était innocent. Habtom Zarhum avait 29 ans. Il était Erythréen, demandeur d’asile, et se rendait à Beersheba pour chercher un visa. Les vidéos circulant sur Internet, le montrant gisant à terre et attaqué par plusieurs personnes, ont provoqué une immense émotion, et pas seulement chez les migrants.
Benyamin Netanyahu, le Premier ministre israélien, a dû appeler les Israéliens à ne pas se faire justice eux-mêmes, alors qu'il a prôné, ces dernières semaines, le tout sécuritaire et la répression sans merci face aux agresseurs. La police, de son côté, a qualifié l’affaire d’extrêmement grave. Elle a ouvert une enquête pour déterminer qui est impliqué dans le quasi lynchage d’Habtom Zarhum. Mais elle cherche aussi à savoir si, outre un garde de sécurité, des policiers ou des soldats ont tiré sur la victime.
Dans ce contexte, dans lequel on déplore déjà plus de 50 morts depuis le début du mois, Ban Ki-moon va tenter de trouver une sortie de crise en se rendant ce mardi à en Israël puis en Cisjordanie.
■ Visite de Ban Ki-moon en Israël et dans les Territoires
Avant son arrivée au Proche-Orient ce mardi après-midi, le secrétaire général de l'ONU a adressé un message aux Israéliens et aux Palestiniens. Aux dirigeants des deux parties, Ban Ki-moon a demandé d'arrêter « les gesticulations » et de s'atteler sérieusement à la mise en place d'une solution à deux États, seule solution capable, selon lui, de mettre fin durablement au bain de sang, à la haine et à la peur.
« Trop c'est trop »
Ban Ki-moon s'est ensuite adressé aux jeunes Palestiniens. Il a déclaré comprendre leurs frustrations, mais les appelle à déposer « les armes du désespoir », déclare-t-il dans un message enregistré pour la télévision onusienne. Quant aux Israéliens, il les avertit : «Les murs, les check-points, la réponse très dure des forces de sécurité, ne vont pas dans le sens de la paix. »
« Trop c'est trop », conclut le secrétaire général de l'ONU, qui réclame la fin du conflit. Reste à savoir s'il réussira à convaincre Israéliens et Palestiniens. Benyamin Netanyahu comme Mahmoud Abbas ont déjà appelé leurs populations au calme ces dernières semaines, sans succès jusqu'à présent.