De notre correspondante à Jérusalem,
Mahmoud Abbas va-t-il « lâcher une bombe » lors de son discours à l’ONU, comme il l’a laissé entendre il y a quelques semaines ? Annoncer la fin des accords de paix d’Oslo ? L’arrêt de la coopération sécuritaire avec les Israéliens ? Ou même sa démission pure et simple de l’Autorité palestinienne ?
Lassé par le blocage total du processus de paix avec Israël et par le désintérêt de la communauté internationale, Mahmoud Abbas pourrait provoquer un électrochoc. Pourtant, nombre de spécialistes en doutent. « Je ne pense pas qu’il annoncera des mesures choc dans l’immédiat, il devrait se contenter de déclarations d’intention », prédit Khalil Shikaki, directeur d’un institut de sondage palestinien.
A 80 ans, dont dix passés à la tête de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas est dans l’impasse. Il ne se sent pas soutenu par la communauté internationale et il est très contesté sur le plan intérieur. Selon une récente enquête d’opinion, deux tiers des Palestiniens veulent sa démission.
Les Palestiniens ne se sentent pas protégés
« La stratégie choisie de longue date par Mahmoud Abbas de la non-violence et de la négociation avec Israël a fait long feu, analyse François Ceccaldi, chercheur à l’Institut français du Proche-Orient. En pratique, la colonisation israélienne continue, les démolitions de maisons et les déplacements de populations aussi. »
Pire, un certain nombre de Palestiniens accusent leur président de « collaborer » avec les Israéliens, en maintenant la coopération sécuritaire avec eux. Ils ont l’impression que « la coopération sécuritaire sert davantage les intérêts des colons israéliens », selon François Ceccaldi.
Le drame de Douma, où une famille palestinienne a été décimée par un incendie criminel imputé à des extrémistes juifs le 31 juillet dernier, a renforcé leurs craintes. Les responsables n’ont pas été inculpés et les Palestiniens ne se sentent pas protégés.
Démissionner ? Une option, mais pas maintenant
Mahmoud Abbas pourra-t-il redresser la barre ? « Oui, affirme Khalil Shikaki, s’il prend des mesures fortes comme porter plainte contre Israël devant la Cour pénale internationale sur la colonisation, ou s’il scelle la réconciliation avec Gaza, il pourrait améliorer sa popularité. »
Et démissionner ? Une option souvent brandie par l’intéressé lui-même. « Je pense qu’Abbas est assez déçu et désabusé pour quitter l’Autorité palestinienne, estime Ashraf Ajrami, ancien ministre palestinien et analyste politique. Mais il choisira le moment opportun. Parce que son parti, le Fatah, n’est pas encore prêt pour un tel changement et le pouvoir palestinien non plus. »
En attendant, Mahmoud Abbas doit faire avec la colère de la rue. Les manifestations de jeunes Palestiniens se multiplient contre l’occupation israélienne. Les récentes violences autour de l’esplanade des Mosquées, suite aux provocations de juifs extrémistes, font craindre un embrasement. Selon le sondeur Khalil Shikaki, 57 % des Palestiniens se prononcent aujourd’hui pour un retour à la lutte armée, un chiffre jamais atteint depuis l’an 2000 et le début de la deuxième intifada.