Liban: la longue quête du pouvoir de Michel Aoun au nom des chrétiens

L'ancien chef de l'armée libanaise Michel Aoun, longtemps réfugié en France et qui se trouve à la tête de l'un des principaux partis chrétiens du Liban, sonne actuellement la mobilisation et mène campagne au nom des « droits des chrétiens ». Son but : que ces derniers puissent retrouver une présence significative sur la scène politique au Liban. Questions-réponses.

De notre correspondante à Beyrouth,

• En quoi consiste la démarche de Michel Aoun ?

Il y a quelques jours, Michel Aoun a fait descendre ses partisans dans les rues de Beyrouth. Il a promis d'autres manifestations à venir. Le leader chrétien libanais, qui est à la tête du Courant patriotique libre (CPL), tient des propos de plus en plus virulents contre tous ceux qu'il accuse de bafouer les « droits des chrétiens ». Ces droits, selon lui, consistent à pouvoir élire un président fort, à choisir un nouveau chef de l'armée et à obtenir une loi électorale qui donne une juste représentation aux chrétiens. Il faut préciser que Michel Aoun se voit lui-même en candidat le plus légitime pour prendre les rênes du pays, qui n'a plus de chef de l'Etat depuis mai 2014. C'est la plus longue vacance présidentielle qu'ait jamais connu le Liban.

• Ses propos trouvent-ils écho au Liban ?

Le nom de Michel Aoun suscite les passions au Liban, un pays particulièrement polarisé, où les positions sont partisanes. Parmi les chrétiens, divisés au sein de la classe politique, Michel Aoun est loin de faire l'unanimité, même s'il est sans doute, parmi eux, le (ou l'un de ses) représentant(s) le(s) plus populaire(s). En revanche, il se saisit là d'un argument qui parle. Depuis la fin de la guerre, les chrétiens sont nombreux à constater, avec amertume, que les droits politiques de leur communauté ont diminué au Liban. Ils s'inquiètent aussi de la situation des autres chrétiens dans la région. Le discours des cadres du CPL, c'est donc de dire que les chrétiens doivent retrouver une centralité, et non plus être seulement des « alliés ». Pour ses partisans, même si Michel Aoun est âgé (il a plus de 80 ans), il conserve la poigne nécessaire pour imposer une voix chrétienne.

• Que reprochent ses détracteurs au leader chrétien ?

En premier lieu, les critiques - qu'elles proviennent de responsables chrétiens ou musulmans - considèrent que Michel Aoun est le principal responsable du blocage actuel, puisque ses députés, ainsi que ceux du Hezbollah (allié du CPL) boycottent les séances du Parlement destinées à élire un président. Afin d'imposer son seul nom. Ensuite, ils reprochent à l'ancien chef militaire de mener, derrière la bannière des « droits des chrétiens », des batailles personnelles, c'est-à-dire visant à le faire accéder au pouvoir avec ses proches. C'est en effet son gendre, un officier d'ailleurs estimé, que Michel Aoun verrait bien à la tête de l'armée. Enfin, ils estiment que M. Aoun fait preuve de démagogie, et que ses partisans utilisent un langage sectaire.

• Jusqu'où ira donc le Libanais Michel Aoun ?

Le chef du Courant patriotique libre affirme qu'il n'hésitera pas à aller à l'escalade pour obtenir gain de cause. Personne n'y croit vraiment, mais personne ne croit non plus que Michel Aoun puisse renoncer à ses objectifs. Plusieurs des membres de son parti ont indiqué qu'ils allaient continuer de « recourir à la rue ». On peut estimer que tant qu'il n'y aura pas de consensus, que les députés se rassemblent ou non pour élire un président, il n'y aura pas de nouveau chef de l'Etat au Liban. Pour l'heure, et c'est tout le problème, il n'y a pas de recherche d'une sortie de crise, malgré des initiatives de dialogue entre factions. On devrait donc rester dans le statu quo sur le plan interne. Et voir Michel Aoun continuer à mener campagne.

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